Histoire de l’Architecture Moderne : De 1914 à nos jours Aux sources du Mouvement Moderne (1890-1914)

Ecole Nationale d’Architecture et d’Urbanisme de Tunis
M.4.4.1 Histoire de l’Architecture Moderne
Enseignant : DHIF Sofien
Septembre 2014

De 1914 à nos jours Aux sources du Mouvement Moderne (1890-1914)

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PARTIE 1 : AUX SOURCES DU MOUVEMENT MODERNE (1890-1914)

I. Les changements dans la construction et l’esthétique :

Les mutations de la révolution industrielle et la mise en place des fondements du capitalisme conduisent les sociétés occidentales à un nouveau stade de développement. En Angleterre cette révolution entamée dès le milieu du XVIII ème siècle s’accompagne d’un développement de la production et d’une augmentation de la population. Un monde nouveau-né des progrès techniques, de la mécanisation et des progrès de la médecine pousse à démanteler les formes anciennes de la vie sociale communautaire et à la nécessité de passer au crible de la raison les institutions traditionnelles.
La modernité naissante lie l’art au présent contrairement à la tradition classique fondée sur la culture humaniste de la renaissance. Les premières démarches de l’art moderne vont se construire en rupture avec la dialectique classiciste et historiciste sur laquelle repose l’académisme occidental.
Dès le XVII ème siècle la querelle des anciens et des modernes montre que les lois supposées naturelles et immuables de l’architecture 1 peuvent être placées dans une perspective historique correcte.
Dans la première moitié du XIXème siècle l’imitation des œuvres anciennes prises comme modèles s’étend à tous les types de formes du passé et donne lieu à une floraison de styles, simples formes décoratives appliquées au cas par cas sur une structure portante indépendante : néo-classique, néogothique, néo-mauresque, régional etc.…
C’est le début du dualisme des compétences qu’expriment encore aujourd’hui les deux figures de l’architecte et de l’ingénieur. Les relations entre artistes et techniciens sont conditionnées par cette dualité et par une nouvelle division du travail qui coupe l’architecte des problèmes importants de son époque : naissance de la ville industrielle et la nécessité de répondre à un besoin croissant de logement soumis aux nouvelles préoccupations de quantité d’hygiène et d’équipements.
1- Solidité, utilité, beauté la triade vitruvienne a identifié l’architecture à un système de règles fondées en partie de l’antiquité et codées par les architectes de la renaissance.
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Figure1 : Londres 1870, Gravure de Gustave Doré, Londres Regent’s Street 1824-1905

a. Nouvelles techniques de construction :

Travaillés de manière plus rationnelle et distribués plus facilement de nouveaux matériaux apparaissant : la fonte puis l’acier, le verre, le ciment.
  • Métal : l’architecture métallique du XIXème siècle est d’abord une architecture d’ingénieurs, d’industriels et d’inventeurs qui expérimentent les possibilités statiques du fer et de l’acier, matériaux qui permettent de grandes portées nécessaires aux charpentes, aux ponts aux viaducs. En Angleterre, le premier pont de fer est construit en 1779 par Wilkinson à Coalbrookdale. En France il faut attendre 1801 et la réorganisation de l’industrie du fer nécessaire aux guerres de Napoléon accompagnée d’une production massive de fer. Ponts routiers, gares 1810-1850, viaducs en fonte et en fer sont rendus possibles par le développement de l’industrie sidérurgique et la réorganisation des connaissances en enseignement scientifiques. L’Ecole des ponts et chaussées est créée à Paris en 1847, l’école polytechnique existe elle, depuis 1794, ces institutions concurrencent les académies d’architecture limitant les tâches des ingénieurs architectes dont certains vont se retrancher dans une attitude intransigeante de défense de l’art contre la science.
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Figure 2 : Pont de Coalbrookdale
  • Le verre : les nouveaux programmes d’équipements, gares, halles, marchés, magasins, bibliothèques réclament de grandes verrières et habituent les architectes à projeter des parois entièrement vitrées. En Angleterre le Crystal palace de J.PAXTON (1851) résume ces expériences et marque le début de la série des grandes galeries vitrées du XIXème siècle. A partir des 1850, les expositions universelles deviennent un hymne aux acquis du nouveau mode de production, le machinisme s’affirme comme nouvelle nature du monde moderne.
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Figure 3 : Le Crystal Palace - Sir Joseph Paxton 1851.
  • Le ciment : découvert par ASPIDIN en 1824, la production de ce nouveau matériau ne commence que vers 1845. Ses applications aux canaux, poutres, escaliers, couvertures se succèdent après les premières expérimentations de F.COIGNET (1847) et HENNEBIQUE 1880 : couvertures en ciment armé de fers profilés. Les ingénieurs entrepreneurs rationalisent la disposition de l’acier qui travaille à la traction et la masse de béton qui travaille à la compression. Les contributions les plus importantes aux architectures de béton armé avant 1914 sont le fait d’architectes entrepreneurs dont l’entreprise des frères PERRET.
Parallèlement aux frères PERRET, immeuble du 25 bis rue Franklin, (1903Paris.), A de BAUDOT propose une synthèse des fores gothiques et constructions en briques à Paris (1897-1905), Eglise Saint Jean de Montmartre. HEILMANN et LITTMANN dessinent l’ossature du grand magasin TIETZ à Vienne. A. LOOS construit un immeuble sur la MICHAELRPLATZ formé de portiques en béton armé non lisibles en façades mais qui justifient la nudité du parement des étages. Concurrencé par la construction métallique, le succès du béton armé aux USA dans les programmes d’architecture industrielles et l’interprétation de l’immeuble de bureaux élevé est cependant rapide après 1895 (INGALLS buildings1912, ELZNER et ANDERSON).
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Figure 4 : Immeuble Auguste Perret - 25 bis Rue Franklin - Paris

b. Changement d’esthétique : la défaite de l’éclectisme :

De 1890 à 1914 les grandes transformations qui se préparent sont signalées par une approche technologique et d’ingénierie d’architecture. C’est l’expérience de l’ingénieur qui alimente l’innovation dans les formes et l’expression de nouvelles performances constructives. La villa et le début du logement social suscitent une transformation de la demande d’architecture longtemps consacrée à l’architecture monumentale.
Dans un contexte politique marqué à gauche (radicaux en France syndicalistes en Allemagne, réformateurs sociaux à Vienne, travaillistes en Angleterre) plusieurs manifestations collectives en marge des académies donnent à partir de 1880 les vecteurs d’avenir du débat architectural : art/industrie/artisanat/société.
  • Promotion des arts mineurs (Arts and Crafts, Angleterre)
  • Création des ateliers WIENER WERKSTATTE (Autriche 1903)
  • Création du DEUTSCHER WERKBUND (Allemagne 1907)
La contestation des modèles canoniques classique a commencé elle, dès le XVIIème siècle. Le recours à la raison et à l’imagination ont revendiqué contre l’imitation de principes architecturaux devenus des recettes. Des tentatives de rationalisation et de conciliation du classicisme et de la construction scientifique sont explorées. Jean Louis Nicolas DURAND 1819 critique les ordres dans leur prétendue universalité en proposant un « système de règles raisonnables et pratiques » dans ses leçons à l’école polytechnique. Il élabore une théorie combinatoire permettant d’associer entre eux des éléments (formes, matériaux, proportions) de toutes les manières possibles.
Il opère une sélection de formes traditionnelles et choisissant les plus schématiques, il associe le goût classique et la pratique constructive dans une économie des formes. Son programme basé sur la convenance et l’économie anticipe le fonctionnalisme moderne.
D’autres tentatives de rationalisme constructif ont été le fait d’architectes qui abordent le problème des rapports entre les formes du moyen âge et les procédés de construction contemporains. L’architecte Eugène Emmanuel VIOLLET Le DUC associe à l’élan romantique qui redécouvre l’architecture gothique, une démonstration savante et raisonnée de la grande maîtrise des bâtisseurs des cathédrales. Utilisant des matériaux de son temps, il s’oppose au néoclassicisme pour produire traités et projets fondés sur les connaissances qu’il a acquises dans les travaux de restauration d’édifices médiévaux. L’intérêt pour le moyen âge sous-tend en même temps la critique du classicisme académiques et des nouvelles formes industrielles qu’on accuse d’avoir contaminé le paysage urbain et l’univers domestique. Ce n'est pas tant ses constructions mais ses théories et ses analyses qu'il exposa dans de nombreux livres qui donnèrent à son influence une telle importance.
Dans les années 1830, le mouvement romantique s'était érigé en défenseur des bâtiments et de l'Art médiéval. Son manifeste était l'un des romans les plus connu de Victor Hugo: "Notre Dame de Paris" (1831). En 1844 il commença la restauration de Notre Dame ce qui l'occupera jusqu'à la fin de sa vie. Il acquit très vite une vision globale de l'Art Médiéval ses livres deviendront de véritables monographies de l'Art Médiéval, des œuvres incontournables dans toute l'Europe. En restant au premier niveau de lecture, Ruskin y a pris beaucoup d'inspiration pour son mouvement néogothique (Gothic Revival).
Dans ses écrits il se débarrasse progressivement de l'idée du "néo" et de la copie pour analyser rigoureusement les formes gothiques pour établir un ensemble de principes pour l'architecture de son temps. Il encouragea l'usage de matériaux modernes comme l'acier et la fonte et défini l'architecture comme une réponse à un problème structurel posé par des besoins fonctionnels. D'un côté, il conclut que l'architecture gothique était la manière la plus efficace de bâtir des églises en pierre en maximisant la hauteur et la luminosité. De l'autre, il affirme que l'acier ne doit pas être utilisé pour imiter des formes anciennes car si ces formes sont le résultat du meilleur compromis faisable avec les matériaux d'alors (pierre et vitraux), ces formes ne sont plus efficaces avec les matériaux d'aujourd'hui. VIOLLET Le DUC n’appliquera jamais les théories qu’il avait développées, mais plusieurs des structures qu'il avait élaborées et montrées comme efficaces avec les matériaux modernes furent construites par des architectes qui revendiquèrent leur appartenance au mouvement Art Nouveau.
L’évocation de la nature menacée par l’ère industrielle et le débat prémoderne art/industrie/artisanat/ trouveront leur expression dans le mouvement Arts and Crafts (1850-1910) fondé par l’anglais William MORRIS dans le pittoresque rural des cités jardins et plus tard dans l’engouement pour les courbes feuillus de l’art nouveau.

c. William morris les arts and crafts:

Tous les mouvements stylistiques pré modernes apparus dans la culture plastique occidentale au tournant du siècle2 sont globalement d’origine anglaise et ne peuvent se comprendre que par rapport à l’avance relative du capitalisme britannique de l’époque victorienne. L’obsession des designers et fabricants européens des années 1890 est bien de rattraper l’Angleterre entre autre dans le domaine des arts décoratifs ou mineurs ». Officialisé en Angleterre pendant la 1ère guerre mondiale le design réapparaîtra en France et en Italie dans les années 60 avec le sens de la modernité appliqué à la vie quotidienne. En fait il est la version industrialisée et bureaucratisée des « Arts and Crafts » les arts et métiers victoriens. Réflexion sur la machine, les matériaux et le cadre de la vie quotidienne, morale et style sont intimement liés.
2- Ces mouvements sont sous différentes appellations : l’art nouveau, l’art fin de siècle, le style nouille, l’art 1900, le jugenstil, le werkbund, les wiener werkstatte, l’organic architecture, le style liberty…, TIFFANY. 
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Figure 5: Red House (Maison rouge) William Morris et Philip Webb 1859 Bexley Heath - Angleterre
Pour MORRIS, RUSKIN, et PUGIN, il s’agit d’abord de lutter contre le processus de déqualification de la main d’œuvre induit par le capitalisme industriel. Prévalait alors, cette conception que lorsqu’une une société est incapable de produire de beaux objets pour presque tous son système éthique est menacé. MORRIS refuse la production mécanique et considère que la machine détruit la joie du travail et la possibilité même de l’art. Au niveau politique il associe production mécanique et système capitaliste et pense que la révolution socialiste mettra fin à cette mécanisation et remplacera les grandes agglomérations par des petites communautés dans lesquelles l’ouvrier heureux produira des objets utiles par des procédés artisanaux.
En faisant l’impasse sur trois siècles de développement et en revenant consciemment à l’art du moyen âge, l’unité perdue entre production et création et le mythe de la cohésion nationale dans une Angleterre divisée semble être retrouvés.
Paradoxalement, le mouvement Arts and Crafts s’est structuré contre le matérialisme ambiant et le mode de production capitaliste mais en calquant leurs structures, W.MORRIS crée sous une forme vaguement coopérative un laboratoire d’arts décoratifs l’entreprise Arts and Crafts (1861-1940), la plus efficace et la plus pérenne. Elle produit des papiers peints, de la verrerie, des meubles des vitraux d’arts. Les commandes affluent, venant des appareils de l’état que MORRIS critique et d’un public bourgeois plus étendu. L’idéal d’un « art pour tous » et l’idée de ressusciter l’artisanat médiéval se heurtent aux nouveaux modes de production. Les successeurs de MORRIS, W.R.LETHABY et CH.RASHBEE reconnaîtront que la civilisation moderne repose sur la machine et qu’il n’est pas possible de stimuler et d’encourager valablement l’enseignement artistique sans reconnaître cette réalité3.
L’Angleterre transmet aux mouvements d’avant-garde du continent les théories élaborées par W. MORRIS et J. RUSKIN, la conviction que l’architecture doit s’occuper de l’ensemble du cadre de la ville moderne et qu’elle fait partie d’une tâche plus vaste consistant à modifier dans son ensemble les formes actuelles de la vie sociale. Il reste qu’en mettant l’accent sur la qualité, l’expression individuelle, l’intégration du travail et des loisirs, les « Arts and Crafts » ont ouvert des perspectives fécondes au débat et à la production des formes contemporaines. Débat qui sera repris plus tard par le WERKBUND, le BAUHAUS, et le Mouvement Moderne.
3- William MORRIS « Nouvelles de nulle part » Paris, 1961 & EP THOMSON « William MORRIS, Romantic to Revolutionary », Londres 1955

d. L’Art Nouveau dernier soubresaut stylistique face à l’éclectisme :

« Vers 1900 un geste magnifique l’art nouveau » LE CORBUSIER
Dans la mouvance des Arts and Crafts , un mouvement qui confronte les traditions artisanales à l’industrialisation réunit des architectes qui travaillent en Belgique et en Autriche à un renouvellement complet de l’ornementation et des formes d’art décoratif (H.VAN DE VELDE, J.HOFFMANN, O.WAGNER, A.LOOS, V.HORTA)
Face aux tentatives éclectiques essoufflées, l’exposition universelle de 1889 rassemble des œuvres nouvelles dont les figures et les formes tentent de rénover l’architecture domestique. Proches des cercles d’avant-garde les architectes de l’art nouveau (V. HORTA 1861-1947), (P. HANKAR 1857- 1905), (H.VAN DE VELDE 1863-1957) recoupent la nouvelle culture technologique qui met à leur disposition : métal, verre, céramique et ciment.
Né en Belgique entre 1892 et 1904 avec la maison Tassel de V. HORTA ce mouvement présente des plans plus ouverts, une grande attention au métissage des procédés de construction et une grande virtuosité dans la mise en forme du fer et du mobilier.
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Figure 6-7 : Maison Tassel - Victor Horta - 1892 - Bruxelles
Les motifs sont flexibles et les modèles naturalistes. Cet art s’affirme comme nouvelle norme de luxe favorisé par des initiatives culturelles et le goût de la bourgeoisie pour ce qui est « nouveau ». Il constitue un ultime sursaut des questions du style et du langage avant la 1ère guerre mondiale.
Dépendantes des arts appliqués ces différentes versions ne proposeront pas d’orientation de longue durée ni de réponses aux transformations de la demande sociale en générale.

II. La transformation de la demande :

Dès 1890 la question de l’architecture et de l’habitat passe au 1er plan et correspond à un déplacement historique de la demande en architecture. Elle prend deux formes distinctes : celle de la maison individuelle à édifier en périphérie des villes et celle du logement social. En Allemagne et aux USA l’économie industrielle capitaliste suscite des innovations typologiques majeures, immeubles de bureaux, réservoirs, silos et instruments de stockage.
Les nouveaux défis que posera la société industrielle aux créateurs de son temps seront de :
  • Affronter les nouvelles nécessités d’extension urbaine.
  • Penser les rapports entre architecture et industrie en ayant recours à des techniques et à une esthétique nouvelle
  • Répondre au problème du logement pour le plus grand nombre
  • Renouveler les rapports entre architecte et constructeur
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Figure 8 : Logements sociaux en Angleterre, Londres 1903-1906

a. L’architecture de la maison :

La « maison moderne des catalogues et des revues répond à une demande culturelle qui se détourne du passé. Elle fixe la recherche de la commodité, du confort et associe des plans asymétriques et diversifiés. La villa bourgeoise en 1900 prend sa place dans les périphéries urbaines les cités jardins et banlieues résidentielles ou les sites de vacances de la classe de loisir ». Le développement des lotissements stimule pour la bourgeoise des villes ce programme nouveau : la maison construite par son propriétaire.
Aux USA, F.L.WRIGHT propose la mise au point d’une nouvelle architecture domestique adaptée au paysage de la prairie et à un mode de vie nouveau.

b. L’architecture du logement social :

Après l’Angleterre où en 1890 est votée «The Housing of the Working Classe Act », les pays bas sont à la pointe de la démarche avec la loi de 1901 qui donne aux communes le droit de subventionner le logement social et un pouvoir de contrôle sur les promoteurs et les propriétaires. En France la loi de 1906 favorise la création d’organisme constructeurs du logement social » la société d’habitations à bon marché. De nouveaux systèmes constructifs sont mis en œuvre : ossature en béton armé, remplissage en brique. Les concepts qui deviendront usuels au début du mouvement moderne sont en gestation dans les expériences menées par certains architectes et par des groupements de constructeurs organisés en sociétés philanthropiques ou en coopératives*.
* Les concepts sont : l’air, le soleil, la végétation, l’implantation libre, la séparation piétons /véhicules, la cité jardin.
A Paris Henri SAUVAGE dessine en 1909 pour des maisons ouvrières un immeuble en gradins réalisé en 1912 rue Vavin. Tony GARNIER projette dans son étude de la cité industrielle » une ville de béton et de fer et de verre.
De 1904 à 1914 il s’engage à Lyon avec son maire HERRIOT dans la vie d’une grande ville affrontant difficultés techniques, méthode de planification et liens entre architecture et croissance de la ville. Il construira une série d’édifices publics et de quartiers d’habitation qui concilient esthétique nouvelle et hygiène. Ses réponses à la question du logement ouvrier et à la place de l’édifice dans la ville font figures d’anticipations à un moment où les concepteurs sont confrontés à des changements de programme difficilement prévisibles à long terme.
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Figure 9 : Henri Sauvage - Immeuble en gradins – 1912 Paris

PARTIE 2 : LES BASES DE LA CULTURE URBANISTIQUE DU XXEME SIECLE 1890-1914

La révolution industrielle a profondément modifié les infrastructures des pays surtout les plus avancés au plan technologique comme l’Angleterre ou l’Allemagne.
Au développement des réseaux de communication (routes, chemin de fer, ponts télégraphes) se sont associés des mouvements migratoires qui font affluer les populations ouvrières vers les villes. Les pays européens connaissent à divers degrés des luttes sociales dont les nouveaux régimes conservateurs sortent victorieux après 1848 et préparent l’expansion coloniale.
Au plan de l’urbanisme, pratique récente, le modèle post libéral est étroitement dépendant de la spéculation et de la conjoncture économique.
De plus le décalage est de plus en plus net entre l’offre de logements produits par le secteur privé et la demande des classes les plus pauvres. Du point de vue quantitatif les initiatives philanthropiques ne sont plus suffisantes.
Vers 1890 plusieurs pays préparent une législation sur le logement, les procédures d’acquisition et d’expropriation des terrains et l’articulation des problèmes posés par la construction subventionnée et la planification urbaine.

Législation :

  • En Angleterre : « The Housing of the Working Class Act 1890 », facilite les expropriations et accorde des prêts aux autorités locales, 1909 première loi d’urbanisme.
  • En France : 1850 Haussmann autorise l’expropriation à grande échelle ; 1902-1912 expropriations d’immeubles et d’îlots indépendamment des travaux de voiries, 1907 création du conseil supérieur des HBM (Habitations Bon Marché).
  • En Allemagne : 1870-1889 organisation des sociétés coopératives à responsabilité limitée, 1904 interdiction de construire en dehors des périmètres déterminés, 1901 possibilité pour les communes d’exproprier des zones entières au fur et à mesure de l’expansion de la ville et de projeter des aménagements.
  • En Hollande : expropriation des zones environnantes conquises sur les polders, loi de 1901 qui oblige les villes de plus de 10000 habitants à établir des plans de développement en précisant les modalités de démolition des quartiers insalubres et de construction de nouveaux quartiers. Apparition de plans généraux et de plans détaillés. Prêts de l’état aux communes et aux administrations, subventions aux coopératives de construction des maisons populaires.
Très vite la nécessité des plans régulateurs et d’un plan global pour les villes qui coordonne les actions se fait sentir parallèlement la ville moderne est au centre des préoccupations intellectuelles et culturelles du début du XXème siècle.
En Allemagne paraissent les traités d’urbanisme (Baumeister 1876, Stubben 1890). En Angleterre est créée en 1909 « The school of civic design » à Liverpool. De nouvelles propositions à la suite des réflexions menées par les utopistes du XIXème siècle voient le jour. Elles procèdent à des expériences qui éclairent d’un jour nouveau la pratique de l’urbanisme. L’enseignement de Camillo Sitte, le mouvement des cités jardins, l’expérience de Tony Garnier, la cité linéaire de Soria, l’urbanisme de Berlage en témoignent.

1. Camillo SITTE (1843-1903) :

Architecte et historien d’art Camillo SITTE publie en 1889 un livre Der Städtebau « L’art de bâtir les villes » qui attire l’attention sur les espaces dans les villes anciennes et propose un répertoire des solutions conventionnelles qu’il observe dans les quartiers nouveaux d’habitation. Il les analyse de façon motivée en mettant en évidence les inconvénients de ces nouveaux espaces : monotonie, régularité excessive, symétrie absolue, absence d’articulation. L’art et l’utilité sont pour SITTE des exigences opposées. Fixant les bases de la conservation du tissu existant, il suggère une recherche qui conduit aux problèmes de fond de l’urbanisme moderne « Il nous faut examiner ce qu’il y a d’exemplaire dans les œuvres des maîtres d’autrefois et l’adapter de manière significative aux conditions modernes ».
Par sa réflexion, il scelle la distance qui sépare, définitivement, la ville historique de la ville contemporaine. Les conditions dans lesquelles la vie sociale y prend place ont changé. Traditionnellement liée à l’espace ouvert (forum, théâtre, thermes, temples, etc.), la vie sociale se réfugie de plus en plus dans des espaces fermés (gares, musées, théâtres, grands magasins, etc.), alors que les places anciennes se distinguaient par types et fonctions (place du marché, de la cathédrale, de l’hôtel de ville).
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Différence entre ville ancienne et ville contemporaine : Statut de l’espace vide et la relation entre espace bâti et espace vide.
SITTE a cependant l’objectif de réactualiser la leçon des anciens au moyen d’un effort de rationalisation extrême, qui vise à mettre en lumière les principes de composition qui ont régi la construction des places et au travers desquels un sentiment artistique tout à fait instinctif et inconscient s’est exprimé. Il s’agit des principes de dégagement du centre, fermeture des places, lien entre forme/dimension, irrégularité, regroupement des places.
Selon Sitte la différence fondamentale entre la ville ancienne et la ville contemporaine réside dans le statut de l’espace vide, notamment dans la différente relation «Gestaltiste » entre espace bâti et espace vide: « Dans l’urbanisme moderne, la relation entre les surfaces bâties et les surfaces vides s’inverse littéralement. Autrefois, les espaces vides (rues et places) constituaient une totalité close dont la forme était déterminée en vue de l’effet qu’ils devaient produire. Aujourd’hui, on découpe des parcelles à bâtir sous la forme de figures régulières, et ce qui reste est baptisé rue ou place.
Autrefois, toutes les inégalités disgracieuses disparaissaient à l’intérieur des surfaces bâties. Aujourd’hui, dans la composition des plans d’aménagement, tous les résidus et recoins irréguliers deviennent des places. »
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Figure 10 : Carte de la ville de Paris avec les travaux exécutés par le Baron Haussmann

2. Ebenezer Howard (1850-1928) et le mouvement des cités jardins :

Au tournant du XXe siècle, de nombreux intellectuels et professionnels abordent la question de l’effondrement de l’opposition ville/campagne. Il s’agit, d’une vision utopique de la fusion entre ville et campagne comme fondement d’un territoire nouveau, qui réunirait les avantages de ces deux entités territoriales traditionnellement séparées afin de donner naissance à la « Garden city : la cité jardin » Forme urbaine radicale, la cité jardin idéale synthèse entre la ville et la campagne est née de la tradition des utopies du XIXème siècle (Robert Owen, Charles Fourier) et du concept de maison unifamiliale dans la nature.
L’idéal de la privacy déjà exprimé par J. Ruskin en 1871 dans sa tentative de fonder un faubourg jardin trouvera sa concrétisation dans la création d’Ebenezer Howard auteur d’un livre intitulé « Tomorrow a Peaceful Path to Real Reforme » garden cities of tomorrow 1965.
Howard pense que si l’on limitait la spéculation privée, les constructions pourraient laisser la place à des espaces verts et la campagne serait accessible par une simple promenade à travers la ville organisée en dimensions bien établies. Dans son livre, il décrit ce modèle de ville à travers des schémas et des propositions de financement et développe de manière schématique cette nouvelle configuration territoriale de la «cité-jardin » selon:
  • l’élaboration d’un modèle spatial;
  • la réforme de la gestion foncière;
  • la création d’un acteur institutionnel (une coopérative) qui devra prendre en charge la réalisation du modèle.
La cité jardin couvrira avec ses habitations et ses industries 1/6 du territoire disponible, le reste sera laissé à l’agriculture et à une ceinture de fermes. C’est un modèle urbain alternatif qui veut apporter une réponse au problème de l’habitat à l’ère industrielle. La cité-jardin regroupe toutes les fonctions administratives et les activités tertiaires au centre, lui même entouré de jardins et d’avenues arborées bordées d’habitations et de commerces.
L’urbanisation des quartiers et leur entretien sont gérés de manière mixte par des promoteurs privés et les pouvoirs publics. Les villes sont cernées par une couronne de terres agricoles où sont également implantées les industries.
- LETCHWORTH : est la première cité jardin à être conçue à 50 km de Londres fondée en 1902, le plan est tracé par B.PARKER et R.UNWIN, les terrains sont loués pour une durée de 99 ans. Prévue pour 35000 habitants elle ne se peuple que très lentement. Des prescriptions sur le type de paysage urbain et la vie collectives y sont édictées ; les établissement industriels interdits. La ville n’arrivera pas à l’autosuffisance espérée.
- WELWYN : fondée en 1919 sur un plan de l’architecte Louis De SOISSONS à mi-chemin entre Londres et Letchworth connaît un succès plus important. La ceinture agricole est réduite mais les habitants qui atteignent 35000 avant 1945 peuvent aller travailler à Londres.
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Figure 11-12 : Letchworth(1902), et Welwyn (1919) les deux premières cités jardins aux environ de Londres.

L’idée de villes à échelle réduite autosuffisantes ne paraîtra viable à long terme mais avec le mouvement des cités jardins la question des sousensembles de la ville et des quartiers satellites ont été posée ainsi que celle des services indispensables à cette échelle. Ebenezer HOWARD a eu le mérite de poser le premier la question de la hiérarchie et de l’articulation urbaine dans le cadre du processus de croissance de la ville industrielle.
Le mouvement des cités jardins connaîtra une vaste diffusion après 1900 en Europe (France, Allemagne, Hollande) mais aussi aux USA.
Divers auteurs, historiens et penseurs de la ville prôneront la fin des métropoles et valoriseront un urbanisme d’établissements disséminés dans le territoire4.
Si Ebenezer HOWARD dans son ouvrage n’a précisé ni le tracé de la ville ni l’architecture des édifices, les diverses expérimentations libres des formes et des architectures qui ont en été faites ont toutes conduit à prendre en compte le paysage urbain comme un tout organique : points de vues, tracé des voies, cultures, clôtures, espaces publics, types d’édifice.
4- P. GEDDES “City development” Rutgers 1973, LEWIS. MUMFORD “The cultures of cities” , E.A.GUTKIND “The expansion of environment”
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Figure 13-14 : La cité jardin d’Ebenezer Howard un idéal de synthèse entre la ville et la campagne

3. L’extension sud d’Amsterdam (1902-1917) et l’urbanisme de Hendrick Petrus berlage5 :

H.P BERLAGE est urbaniste conseil des différentes villes hollandaises au début du siècle. Il travaille dans des conditions des plus favorables avec une législation précise fondée sur la loi de 1901, en collaboration avec des fonctionnaires municipaux éclairés et dans le cadre d’une tradition locale urbaine et de bâtir la ville solide.
Le plan de développement de la ville d’Amsterdam sur lequel il travaille s’inscrit dans un contexte politique socio-démocrate et pose la question de la distribution future du sol et des relations entre la ville et sa campagne proche. La préoccupation municipale est celle de l’assainissement urbain et de la construction de zones périphériques selon les principes des cités jardins.
Berlage projette le plan d’extension sud d’Amsterdam (Zuid Amsterdam) en prévoyant un quartier mixte desservi par un réseau de rues complexes aux motifs symétriques à partir d’une figure majeure en fourche. L’unité de construction des nouveaux quartiers est l’îlot de 100 à 200m de long et de 50m de large, bordé d’une construction de 4 niveaux qui ménage un jardin intérieur. Les rues permettent un trafic rapide au centre et plus lent pour la desserte des immeubles de part et d’autres. Le choix de l’îlot amstellodamien comme unité constitutive du plan est décisif. Il permet d’instituer un contrôle architectural unitaire des édifices. L’emploi de l’îlot apporte une réponse à la question de la continuité urbaine et du cadre unitaire qu’elle offre aux différents bâtiments qui s’inscriront dans un dessein constant et global des règles urbaines. Ainsi la composition d’ensemble de l’urbaniste est guidée par un fil conducteur. La relation à la partie ancienne existante de la ville est assurée en continuité par la prolongation de perspectives et l’articulation de nombreux points (gares, parcs, musées, rivière).
5- Hendrick Petrus BERLAGE (1856-1934) Architecte néerlandais
Le plan BERLAGE approuvé en 1917 sera réalisé au plan architectural par une équipe de jeunes architectes qui se font connaître sous le nom de « l’Ecole d’Amsterdam » et par des architectes qui appartiennent d’autre part à de nouvelles tendances modernistes néo-plasticistes. M. DE KLERK, PL. KRAMER, J.J.P.OUD en représentent quelque uns. Le plan d’extension d’Amsterdam sud et sa concrétisation architecturale apparaît encore comme une expérience novatrice utilisant des procédés d’exécution modernes et basée sur une rare maîtrise du sol et de la composition urbaine à une échelle bien déterminée. L’ensemble de la ville qui possède de nombreux espaces verts reste urbain.
Plus tard en 1935, Amsterdam sera de nouveau à la pointe de l’urbanisme moderne par son plan de développement mené par l’architecte C.V.EESTREREN. Celui-ci affrontera à une autre échelle les problèmes posées par l’urbanisation du territoire de la capitale hollandaise qu’il s’agit de sans cesse de conquérir et d’établir. Il se préoccupera plus de montrer une ville en devenir et une image possible de la cité en l’an 2000 que de créer à l’image du plan d’extension de Berlage une forme capable d’harmoniser les différentes fonctions : travail, résidence, loisirs.
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Figure 15 : Plan d’extension sud d’Amsterdam de Berlage 1917

PARTIE 3 : ADOLF LOOS (1870-1933)

Adolf LOOS Architecte autrichien, il demeure sans conteste la figure de proue du dépouillement intégral dans l’architecture moderne. Sa filiation envers le mouvement moderne ne se décèle pas uniquement dans ses bâtiments rigoureux, d’inspiration classique mais dans l’une des formules les plus pénétrantes de sa génération, celle où il prône pour l’habitat une base utilitaire. Adolf LOOS commencera à Vienne son activité d’architecte et de critique, il s’élève contre l’éclectisme, les arts appliqués et les conventions héritées des cultures anglaises et françaises. Il déclare
« le matériau noble et le bon travail supérieur à l’ornement ».
Dans ses édifices, il mettra l’accent sur les espaces intérieurs et leur perception directe. En insistant sur la qualité particulière de chaque espace d’habitation, Il donnera naissance au concept du RAUMPLAN (plan spatial).
En admettant des hauteurs sous plafond différentes, il anticipe sur la promenade architecturale de Le Corbusier. Il évalue de façon polémique le mouvement de l’art nouveau au nom de la valeur d’usage et de la nécessité d’intégrer les techniques nouvelles du confort dans une définition moderne de la culture.
Ses travaux dans le contexte viennois sont des manifestes qui démontrent le nouveau rapport entre luxe et simplicité, illustré de manière remarquable dans l’Immeuble Michaelerplatz (Vienne, 1909-1911), ou encore dans la Maison Steiner (Vienne, 1910). Ces deux exemples caractérisent la valeur esthétique de la pureté des percements transposant ainsi la pensée fondamentale de l’architecte.
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Figure 16 : Immeuble Michaelerplatz (Vienne, 1909-1911)
La façade affiche une simplicité et une pureté allant dans la partie supérieure jusqu'à un dépouillement total. Le bâtiment est nu, sans artifice, et ne sacrifie pas au mensonge des apparences décoratives. L'architecte a veillé, selon ses propres dires, à l'harmonie entre le bâtiment et son environnement, et notamment au respect de l'équilibre par rapport à l'une des entrées lourdement décorée du palais impérial se trouvant juste en face. L'élégance de la façade prouve en effet ses liens avec la tradition : un crépi blanc couvre une structure en béton armé et le rez-de-chaussée est incrusté de marbres somptueux et colorés.
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Figure 17 : Immeuble Michaelerplatz (Vienne, 1909-1911)
Adolf LOOS voit dans la liberté d’inspiration décorative une déviation culturelle analogue à celle des styles traditionnels que les modernistes viennois combattent. Il oppose nettement l’art et l’utilité plaçant l’architecture du seul côté de l’utilité. En 1908 il publie un article célèbre « crime et ornement » dans lequel il soutient que l’architecture et les arts appliqués doivent renoncer à toute ornementation.

I. L’architecture domestique d’Adolf Loos :

Pour Adolf Loos, la façon dont l’homme bâtit sa maison exprime l’éthique d’un peuple. Il cherche un langage formel qui reste l’expression de la fonction dans l’espace.
  • Les maisons unitaires d’Adolf Loos se reconnaissent à leur aspect traditionnel et nu.
  • Leur plan et leur volume général évoquent des formes géométriques adoptées depuis longtemps par les architectes.
Discrètes et d’une stricte régularité elles renvoient à une architecture rationaliste qu’Adolf Loos a développé indépendamment du mouvement moderne.
Adolf Loos fait une distinction saisissante entre une sphère domestique de la vie quotidienne, qui répond à l’utile et au besoin, et une sphère collective davantage ouverte à l’œuvre d’art. « La maison doit plaire à tout le monde. Contrairement à l’œuvre d’art qui ne doit plaire à personne. L’œuvre d’art est l’affaire privée de l’artiste. La maison non. L’œuvre d’art ne naît pas pour répondre à un besoin. La maison couvre un besoin. L’œuvre d’art n’a de responsabilité envers personne, la maison envers chacun. L’œuvre d’art montre des voies nouvelles à l’humanité et pense à l’avenir. La maison pense au moment présent ». Adolf Loos : Crime et Ornement.
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Figure 18 : Villa Steiner (Vienne, 1910)
Les œuvres d’Adolf LOOS sont considérées comme les premiers exemples du rationalisme européen et ont sûrement influencé les architectures de GROPIUS, OUD, LE CORBUSIER et les autres maîtres de l’après-guerre.
L’architecture d’Adolf LOOS à l’aspect linéaire et dépouillé provient d’une simplification du répertoire traditionnel inscrit dans une nouvelle conception spatiale et influencée par son voyage aux USA de 1893 à 1896. Utilisation correcte des matériaux, justesse des constructions adhésion sans préjugés aux nécessités fonctionnelles sont des principes dont il trouvera confirmation lors de son séjour américain. L’innovation la plus importante consiste dans ce nouveau RAUMPLAN.
Adolf LOOS a horreur du gaspillage, l’homme et l’environnement sont conçus dans un rapport restrictif. W.GROPIUS élargira ce raisonnement pour y insérer tous les actes de la vie humaine, individuelle et sociale. Entre 1920 et 1922, Adolf LOOS est nommé architecte en chef de Vienne, il projette un quartier expérimental à Heuberg et de nouveaux types de constructions populaires non réalisés. Plus tard il abordera la définition de maisons et villas archétypiques telles la Maison Rufer (Vienne, 1922), Maison Tristan Tzara (Paris, 1925-1926), Villa Moller (Vienne, 1927-1928), Villa Müller (Prague, 1928-1930) où par l’emploi de matériaux naturels et une technologie soignée il anticipe une recherche de rationalisation et d’économie de l’édifice qui se généralisera en Europe la décennie suivante.
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Figure 19 : Villa Müller (Vienne, 1928-1930) : Parfaite illustration du Raumplan
De l'extérieur, la façade géométrique, avec ses murs nus et les bandes de fenêtres alignées peintes en jaune, ne révèle rien sur le concept intérieur de cubes de niveaux différents. L'aspect austère était un choix délibéré, une intention du bâtisseur : il ne devait rien indiquer sur la vie privée de ses habitants. Un cube blanc, c'était quelque chose de tout à fait neutre et anonyme.
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Adolf Loos a rompu avec la règle qui voulait que les pièces d'un seul et même étage soient au même niveau. Les intérieurs découpés en segments étaient révolutionnaires, mais élégants et pratiques à la fois. « La maison doit servir le confort. »
L’ambiance de la maison n’a rien de bouleversant par rapport aux maisons précédentes. Pour Adolf Loos, les matériaux de revêtement dominent et produisent un espace « chaud et intime », tandis que les poutres en bois qui portent le plafond restent manifestement visibles.
Achevée trois ans avant la mort de Loos, la villa Müller illustre à la perfection le concept de « Raumplan » :
  • Suppression traditionnelle des étages.
  • Suivant sa fonction dans la maison, chaque espace a des proportions et des hauteurs propres.
  • Les différentes pièces sont reliées par de courts escaliers.
La composition spatiale a rompu avec la règle voulant que les pièces d'un seul et même étage soient au même niveau. Les intérieurs découpés en segments étaient révolutionnaires, élégants et pratiques à la fois. « Pour moi il n'existe ni les plans, ni les étages, ni les coupes... il n'y a que l'espace continuel, les étages s'interpénètrent, les différentes zones sont reliées l'une à l'autre. » Adolf Loos Pour Adolf Loos, les architectes doivent respecter la tradition, d’où émanent les formes, «la tradition» dont il fait lui-même une théorie. Le respect de la tradition ne se fait pourtant pas dans un esprit passéiste. Il doit se faire en parallèle avec une attention constante, aux nouveaux besoins de l’époque, et à l’identification de nouvelles techniques qui justifient l’emploi de nouvelles formes.
Adolf Loos, considérait que « la culture se construit sur la connaissance de la grandeur mémorable de l’Antiquité classique ». Dans cette optique il est aisé de comprendre la référence à la colonne reprise par Adolf Loos à l’occasion du concours du Chicago Tribune de 1922, ainsi que celle des dispositifs classiques des tracés régulateurs qu’il utilisera dans la mise en forme de l’espace.
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Figure 20: The Chicago tribune Concours (1922)
« L’architecte est un maçon qui a appris le latin » Adolf Loos
Adolf Loos abordait les problèmes d’un point de vue éthique plutôt qu’esthétique. Il cherchait un langage formel qui restât pour l’essentiel, l’expression de la fonction dans l’espace. L’architecte n’était nullement pour lui un prince ou un créateur mais un maçon qui a appris le latin, comme Palladio, un maçon porteur d’une éthique de constructeur et d’une esthétique de l’utile.
« Avec cette invention, (Le Raumplan) j’aurais épargné à l’humanité, dans son évolution, beaucoup de temps et travail (…) Car telle est la grande révolution en architecture : la résolution d’un projet dans l’espace. Avant Emmanuel Kant, l’humanité n’était pas encore capable de penser dans l’espace et les architectes étaient obligés de faire les toilettes aussi hautes que la salle. (…). Et de même que l’humanité sera capable un jour de jouer aux échecs dans le cube, de même, les autres architectes sauront à l’avenir résoudre un projet dans l’espace. » Adolf Loos.
Considérées comme les premiers exemples du rationalisme européen ses œuvres ont incontestablement influencé les architectures de Gropius, Oud, Le Corbusier et les autres maîtres de l’après-guerre. Son œuvre écrite est à ce jour objet de recherches et de débat sur la question de la modernité.

PARTIE 4 : FRANK LLOYD WRIGHT (1867- 1959)

« Les physiciens peuvent enterrer leurs erreurs, les architectes seulement conseiller à leurs clients de planter des plantes grimpantes. Aussi devraient-ils aller le plus loin possible de chez eux pour édifier leurs premières constructions. »6.
Symbole de l’esprit pionnier américain, créateur en marge de tout mouvement et de toute école, Frank Lloyd Wright a plus que tout autre, profondément marqué l’architecture du XXe siècle.
Au cours de sa longue carrière, Frank Lloyd Wright concevra près de mille bâtiments et diffusera ses réflexions sur l’architecture, fondée selon lui sur l’alliance de la technologie et d’un certain idéal de vie américain.
Frank Lloyd Wright est né en 1867 dans le Wisconsin, il devait selon sa mère devenir « The greatest architect of America »7. Enfant, il commence à s’intéresser à la construction grâce à une collection de cubes de bois offerte par sa mère8. Cette dernière le placera plus tard auprès d'un ingénieur de Madison afin de l'aider à financer ses cours à l'université du Wisconsin.
En 1887 il quitte Madison pour Chicago. Depuis l’incendie 1871, Chicago est un immense chantier. La ville est devenue le lieu d’un renouveau architectural, où les choix stylistiques sont étroitement associés aux contraintes techniques liées à l’emploi intensif des structures métalliques.
Après quelques mois passés chez l’architecte Joseph Lymann Silsbee, Frank Lloyd Wright se fait engager par le cabinet Adler et Sullivan, illustres représentants de l’« Ecole de Chicago ». Sullivan habille ses structures rigoureuses d’ornements proliférant, dont l’esthétique renvoie au courant de l’Art nouveau. Frank Lloyd Wright restera six ans chez Sullivan, le « très cher maître » pour lequel il aura, jusqu’au dernier moment, la plus profonde affection et la plus grande reconnaissance.9
À une vaste culture acquise à travers des lectures éclectiques, Frank Lloyd Wright allie un talent exceptionnel de dessinateur et un esprit critique aigu. Sullivan, qui reconnaît aussitôt les qualités du jeune homme et apprécie son efficacité et son enthousiasme, entretient avec son jeune collaborateur des relations privilégiées. Frank Lloyd Wright relatera dans son Autobiographie 1932 : « Il aimait causer avec moi, et je restais souvent à l’écouter [...].
6- [Frank Lloyd Wright ] - Extrait du New York Times - 4 Octobre 1953
7- « Le plus grand architecte d’Amérique »
8- Collection exposée à la Dana House, Springfield, Illinois
9- En 1924 il publiera « Louis Henry Sullivan, Beloved Master »
Il continuait à parler jusque tard dans la nuit. Et moi j’attrapais le dernier tramway suburbain pour Oak Park et allais me coucher sans souper. »10 Oak Park, où Frank Lloyd Wright en 1889, s’était construit, une petite maison pour la famille qu’il venait de fonder. Cette maison préfigurera ses futures réalisations dont les « maisons de la prairie ». En rupture avec le style victorien qui domine les banlieues de l'époque, la demeure séduit: dans le quartier, les commandes se multiplient. Ses activités parallèles vaudront à Frank Lloyd Wright, en 1893, d’être licencié. Chez Silsbee, Frank Lloyd Wright avait acquis des connaissances dans le domaine du logement. Chez Sullivan, il apprend l’intransigeance d’une quête esthétique. En 1890, sous la direction du maître, il réalise la maison Charnley dont il dira plus tard qu’il y pressentit « pour la première fois la valeur nettement décorative de la surface nue, c’est-à-dire de la paroi plane en tant que telle ».
En 1894, Frank Lloyd Wright refuse de sacrifier à la tradition des architectes américains : le passage à l’École des beaux-arts de Paris. Ce refus est pour de nombreux historiens, le début de l’architecture moderne.
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Figure 21-22 : Oak Park, Illinois
10- Franck Lloyd Wright « Autobiographie », (1932 édition originale), Préface de Philippe Panerai, Editions Verdier, Paris, 1998.

I. La maison de la prairie :

En 1893, Frank Lloyd Wright s’installe à son compte. Sa première commande La maison Winslow garde encore la marque du cabinet Adler et Sullivan. Mais, construite autour d’un arbre, elle présente déjà la silhouette de la « maison de la prairie », avec ses toits plats en pente douce, son mouvement horizontal et, ce qui sera une constante chez Frank Lloyd Wright, ses verres colorés. Les autres réalisations de cette époque font preuve d’une démarche éclectique, d’où le néoclassique et le palladien ne sont pas absents. La symétrie, jamais abandonnée, sera utilisée à des fins subtiles de compositions organiques.
Frank Lloyd Wright individualise ces nouvelles habitations par des vitraux et des meubles, également conçus par lui, reprenant les mêmes motifs linéaires que ceux de la maison. Frank Lloyd Wright, qui avait la réputation de se mettre en colère lorsque ses clients déplaçaient les meubles qu'il livrait avec leurs maisons, avait tout dessiné dans la sienne: le mobilier, les fresques murales, les lampes japonisantes, les cheminées, les fenêtres en verre teinté.
Les nouveaux modes de vie et les nouveaux matériaux inspirent ses recherches: il s'attache à intégrer harmonieusement les bâtiments dans le paysage, s'emploie à régler les problèmes relatifs à l'éclairage et à la ventilation en apportant des solutions nouvelles.
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Figure 23: Winslow House – River Forest – Illinois - 1893
Les principales caractéristiques de la maison de la prairie se matérialisent par l’horizontalité de la forme, propre à l’espace domestique. Elle est mise en pratique par la faible hauteur des espaces, l’élancement des lignes du toit et les porte-à-faux pour contrôler la lumière et protéger les façades.
Libérée de contraintes structurelles, la maison de la prairie est conçue selon une disposition qui suit les volontés spatiales, du point de vue du rapport intérieur-extérieur et de l’apport de lumière.
Contrairement aux maisons faites de pièces, Frank Lloyd Wright propose une seule pièce à l’étage inférieur, partitionné par des écrans. D’autre part, il introduit de nouvelles notions.
  • La dissolution de l’angle et l’interpénétration des espaces, rendant la perception dépendante de la position, en prenant comme vue privilégiée la diagonale.
  • L’évidement de l’angle extérieur de la maison, par exemple par la dissociation de la structure et de la façade (angle vitré).
  • La hauteur différenciée des espaces, permise par la libération de la superposition structurelle du mur, permet de différencier les différentes parties d’un espace unique s’ordonnançant autour d’une centralité celle de la cheminée, qui dressée dans l’épaisseur de la maçonnerie articule la fluidité des espaces.
Jusqu’en 1910 il en dessinera une vingtaine. Ainsi est née l'« Ecole de la Prairie ». Des maisons basses et longues, intégrées dans la nature, plates comme les paysages du Midwest. Dans la première décennie du siècle, Frank Lloyd Wright applique les principes de sa « Prairie House Design » à de plus grands projets tels que « Robie House ». Il applique ensuite ces mêmes principes à l’architecture industrielle, en créant le « Larkin Company Administration Building » (bâtiment administratif). Le Larkin Building (Buffalo Etat de New York) qui s’organisera autour d'un grand puits central éclairé par le haut précurseur de l’atrium moderne.
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Figure 24: Robie House – Oak Park – 1908 -1910
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Figure 25: Larkin Building – Buffalo – 1903-1904

II. L’intermède européen :

En 1909, Frank Lloyd Wright traverse une crise existentielle. Il quitte tout, son atelier, son épouse, ses enfants, et part pour l’Europe avec la femme d’un de ses clients. C’est une rupture totale conjugale, sociale qui prélude à un nouveau départ.
Il voyage dans toute l’Europe, où il entre en contact avec les avant-gardes autrichienne, allemande, néerlandaise il est marqué par certains architectes comme O. Wagner et Olbrich. Frank Lloyd Wright fréquente et influence les architectes d'avant-garde en Autriche, en Allemagne et aux Pays-Bas, dont Gropius et Mies Van der Rohe. Il supervise en 1910, à Berlin, la publication du « Portfolio Wasmuth » constitué de dessins au trait de ses projets, et qui fut, dans une édition ultérieure, complété par des photographies.
L’ouvrage, est un succès. C’est Berlage qui souligne le premier l’originalité du travail de Frank Lloyd Wright. La même année, il expose certaines de ses œuvres à Berlin.

a. Taliesin :

En 1911, revenu dans son Wisconsin natal, Frank Lloyd Wright fonde la communauté de Spring Green. Il y construit un complexe réunissant trois fonctions : habitation, exploitation agricole, lieu de travail et d’accueil des apprentis. Il démarre là une seconde carrière.
Taliesin ne symbolise pas seulement la pensée architecturale de Frank Lloyd Wright, mais entretient avec lui une relation quasi charnelle. Taliesin est conçu pour évoluer, se modifier, s’agrandir : « Imaginez qu’un bâtiment entier puisse s’élever et se développer à partir de certaines conditions, de même qu’une plante s’élève et se développe à partir du sol, tout en étant libre d’être lui-même. »
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Figure 26: Taliesin : Résidence d’été de Frank Lloyd Wright au Wisconsin
Inspiré sans doute pour partie des conceptions japonaises de la maison, Taliesin fait s’imbriquer cours, bâtiments, dénivellations, bassins, baies, jardins, buissons en un « jeu de surprises, d’effets d’ombres et de lumières aux sources inattendues ». Ce lieu métaphorique et religieux brûle en 1914. Sa compagne et leurs deux enfants mourront dans l’incendie.
Il s’exilera au Japon de 1915 à 1921. Il y construira l’Imperial Hotel, Tokyo.
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Figure 27: Imperial Hotel à Tokyo

b. Taliesin III et Taliesin West :

En 1925, Taliesin reconstruit brûle une seconde fois. Frank Lloyd Wright écrit : « Taliesin vivait partout où j’étais ». Taliesin III, ressuscité Frank Lloyd Wright y conduira une véritable communauté.
En 1938, Frank Lloyd Wright élèvera l’ensemble de Taliesin West, à Phoenix, où il accomplira la synthèse de ses théories et de ses expérimentations antérieures. A partir des années trente, il fonde sa propre école d’architecture, « Taliesin Fellowship ».
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Figure 28-29: Taliesin III et Taliesin West

c. Broad acres :

La dépression économique vécue dans la retraite communautaire de Taliesin suscitera chez Frank Lloyd Wright de nouveaux questionnements et stimulera de nouvelles propositions. La critique de la grande ville et la proposition d’une urbanisation à faible densité permettant de maintenir une relation aux éléments naturels s’ancrera dans l’expérience des années noires. Maison individuelle et solidarité communautaire sont les conditions de la survie comme l’étaient le jardin familial et l’encadrement syndical dans les Siedlungen allemands des années 20.
Le projet « Broadacres », conçu par Frank Lloyd Wright entre 1931-1935, illustrera ses conceptions humanitaires. Ce projet d’un vaste parc architectural réaffirmait les conceptions que l’architecte avait déjà affirmées avec les « maisons de la prairie » : le droit de chaque Américain à la propriété d’une maison individuelle et à un espace vital conséquent.
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Figure 30: Projet Broadcares
Selon Frank Lloyd Wright, les « Broadacres » étaient la solution aux problèmes économiques, sociaux et moraux auxquels les Etats-Unis commençaient à faire face après la dépression et à la suite de l’urbanisation des villes.
L’Amérique ira dans la direction opposée, le surpeuplement des villes et la création de banlieues économiquement dépendantes des cités avoisinantes feront le reste.

d. La maison sur la cascade :

C’est durant cette même époque qu’il construit ses deux plus célèbres structures : la fameuse maison « Falling water » à Mill Run, en Pennsylvanie, et le bâtiment qui servira de siège à la compagnie « S.C. Johnson & Son » à Racine, dans le Wisconsin. « Falling water » est à la fois la maison la plus célèbre des Etats-Unis et l’un des meilleurs exemples de l’architecture organique de Frank Lloyd Wright. Avec une section arrière en pierres naturelles comme noyau, les différents étages sont des dalles en porte-à-faux, terminée par de simples parapets, soulignant l’horizontalité. Les espaces de séjour sont séparés de l’extérieur par une peau de verre, mettant en rapport l’intérieur et l’extérieur.
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Figure 31: Falling Water
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Figure 32: Falling Water
Frank Lloyd Wright restera actif jusqu’à sa mort (en 1959). Il ne verra malheureusement pas la fin de la construction de son dernier et plus ambitieux projet à New York : The Solomon R. Guggenheim Museum (1943-1959).
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Figure 33: Guggenheim Museum (1943-1959)
Frank Lloyd Wright, le plus emblématique des architectes américains, et peut-être le plus célèbre du XXe siècle, a eu une immense influence sur l'architecture moderne, aux Etats-Unis comme dans le reste du monde. Il influença divers courants artistiques, dont l'expressionisme.
Son œuvre occupe une place singulière et solitaire en marge du mouvement moderne européen avec lequel il aura des contacts réels.
Son œuvre exceptionnelle toujours renouvelée, ses critiques de la diffusion du style international, son pouvoir de suggestion sur la génération d’architectes qui suivra la 2ème guerre mondiale soulignent sa grande influence sur les expériences de tous les architectes contemporains.
Frank Lloyd Wright a éliminé à l’avance tous les obstacles qui s’opposent à la formation d’un nouveau langage personnel. Il ne se soucie pas de rejoindre le mouvement moderne mais propose une architecture libérée des contingences basée sur les besoins permanents de l’homme.
Dès 1900, Frank Lloyd Wright avait reconfiguré les espaces intérieurs, les transformant en une série de compartiments dans une expérience continue d’espaces " inter-reliés ". Le nouveau foyer est défini par des éléments séparateurs au lieu des conventionnels murs et fenêtres détaillés. Il a été un pionnier dans l’application avancée de matières et de structures, redéfinissant les programmes architecturaux pour une nouvelle société démocratique. La maison usonienne, L’Imperial Hotel à Tokyo, qui se donnait comme but avoué la réhabilitation de l’esthétique architecturale traditionnelle japonaise, les maisons de Los Angeles, inspirées de l’art maya et construites lors des deux années californiennes de Frank Lloyd Wright, s’inscrivent dans une recherche d’une architecture organique qui s’ancre dans la tradition, une tradition anti académique.
Quand il meurt, en 1959, la relève avec Louis I. Kahn et Robert Venturi est assurée. Son travail avant-gardiste n’a cependant pas été tout de suite évalué à sa juste valeur : au tournant du siècle, Frank Lloyd Wright avait projeté des édifices que d’aucuns nommèrent plus tard les premiers bâtiments du monde véritablement moderne.
Les références de Frank Lloyd Wright, objet de nombreuses études, furent incontestablement le mouvement anglais Arts & Crafts, le rationalisme français de Viollet-Le-Duc, les vocabulaires exotiques du Japon et de l’Amérique précolombienne, ainsi que le bâtiment vernaculaire italien.
« Pour pouvoir être considérée comme œuvre d'art, toute maison doit avoir sa grammaire en propre. « Grammaire », au sens où je l'entends, signifie la même chose quelle que soit la construction - qu'elle soit faite de mots, ou de pierre et de bois. C'est la relation formelle entre les divers éléments qui constituent le tout. La « grammaire » de la maison est l'articulation manifeste de toutes ses parties. Ce sera le « discours » qu'elle tient. Pour être accomplie, toute construction doit être grammaticale. (...) Quand une grammaire a finalement été arrêtée (son exploitation se poursuit ensuite presque indéfiniment dans chaque chose que vous faites : mur, plafond, mobilier, tout provient d'elle), tout a une articulation qui le relie au tout, tout s'accorde avec tout parce que toutes les parties ensemble parlent le même langage. (...) quand vous adoptez pour votre maison une « grammaire », vous vous donnez la façon dont votre maison sera « parlée », « prononcée ».
Vous devrez être logique dans votre grammaire jusqu'au bout pour qu'elle soit comprise comme une œuvre d'art.»11
Cette grammaire se définira selon Frank Lloyd Wright 9 points :
  • 1. « Réduire autant que possible le nombre de pièces séparées et faire que toutes s’unissent dans un seul espace que l’air et la lumière puissent pénétrer de part en part ;
  • 2. Elargir et étendre les plans parallèles à la terre afin que la construction épouse son emplacement. Maintenir une sorte d’indépendance des étages de façon à sauvegarder cette partie favorisée de la maison pour la vie quotidienne,
  • 3. Eliminer la chambre et la maison conçues comme des boîtes, en faisant des murs des écrans de clôture. plafonds, planchers et écrans pouvant ainsi confluer les uns dans les autres pour ne former qu’un seul grand espace enclos avec uniquement des subdivisions mineures ;
  • 11 Frank Lloyd Wright, “The Natural House (1954)”, in “Frank Lloyd Wright Collected Writings”, Volume
  • 5, New York, Rizzoli, 1995,
  • 4. Placer le soubassement au-dessus du sol en guise de piédestal pour le reste de la maison afin que ces fondations visibles constituent une plateforme sur laquelle puisse se dresser le bâtiment ;
  • 5. Mettre toutes les ouvertures nécessaires, que ce soit vers l’extérieur ou vers l’intérieur en harmonie avec les proportions humaines et les emplacements naturels dans l’agencement de la construction entière. Ces ouvertures doivent être des écrans de lumière et non des murs ;
  • 6. Eliminer dans la mesure du possible, les combinaisons des différents matériaux en faveur d’un seul. Ne se servir d’aucune ornementation qui ne procède de la nature même du matériau employé. Les lignes droites et géométriques étant naturelles aux machines d’alors
  • 7. Intégrer le chauffage, l’éclairage et la plomberie de façon à en faire des parties constituantes du bâtiment lui-même
  • 8. Intégrer les meubles en tant qu’éléments architecturaux organiques,
  • 9. Eliminer le décorateur, il n’est que courbes et efflorescences. Il est d’une époque révolue »
  • À la charnière de deux siècles, Frank Lloyd Wright, laissera des bâtiments révolutionnaires et un message qui ne sera pas seulement architectural, mais assorti d’un modèle de structuration de la vie, fondé sur la double exigence d’épanouissement de l’individu.
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