Cours 6. Le patrimoine institutionnel de l’espace ksourien II. La hisba

Université de Béchar
Master I. Préservation du cadre patrimonial bati au Sahara
Histoire de la consevation I
Enseignant Abdelmalek Houcine

Cours 6. Le patrimoine institutionnel de l’espace ksourien
II. La hisba
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Plan

  • Définition
  • Les attributions urbaines du Mohtasib.
  • Conclusion

Bibliographie.

1. Ibn abdoun (Muhammad b abd allah an naha ), c’est un traité sur la Hisba , intitulé « La vie urbaine et les corps de métiers à Séville au début du XII° siècle » , publié par E. Levi Provençal in journal asiatique , juin 1934
2. Ibn Khaldoun .- el-Mouqadima .- trad. par Vincent Monteil , Beyrouth, 1968 .2 vol.. chap. IV .
3. El Maqrizi. — (الخطط و العبر ) « la description de Misr » trad. A. Bouriant, .-Boulaq , 1858, 2 vol. Paris, 1900.
4. El mawerdi (abou Hassan Ali).-Les statuts gouvernementaux. (الاحكام السلطانية) traduction et notes de E. Fagnan , Paris , 1982 .
5. Ibn el-Forat « chronique des règnes et des rois »
6. Ibn djemaàt el-kinani , manuscrit se trouvant à la bibliothèque impériale de vienne.
7. el-Nabrawi (abdrahmane Abi Nasr el-Shayzari) ( نهـاية الرتبة فى طلب الحسبة الشريفة) « l'autorit publique dans la demande de la hisba »
Ces trois derniers documents, sont publiés par Walter Bernhauer, in journal asiatique, 1860 -juin – novembre.
L’institution de la hisba prenait en charge la plus grande partie de l’urbanisme de détail dans la cité islamique. La fonction du Mohtasib, comprend des attributions qui font de lui un vrai préposé urbain. D’ailleurs, même les occidentaux orientalistes ont, dès la deuxième moitié du XX° siècle, saisi l’importance de ce fonctionnaire dans la pratique de l’espace islamique, mais sans saisir complètement la maîtrise de l’administration urbaine dans ces médina. Car ils sont tombés dans l’erreur de vouloir assimiler les formes juridiques et opérationnelles de l’urbanisme musulman à celles de l’urbanisme occidental contemporain. Evoquons cette citation de G. Marçais :
« On ne peut s’occuper de l’urbanisme en pays d’Islam sans faire une place à cet important fonctionnaire, et l’on doit au moins lui accorder l’honneur d’une parenthèse ».

1. Définition.

C’est une charge à caractère religieux comme l’ont souligné tous les juristes, historiens, chroniqueurs et philosophes sus-indiqués. Les trois raisons qui ont permis de qualifier ainsi ce caractère, sont :
1°- Le fait que la charia est constituée à partir des sources, dont le Coran et la Sunna, sont les plus fondamentales.
2°- Le nom meme de cette charge hisba est issu du verbe ( Ihtasaba احتساب ) sous entendu ( lilah لله ) ce qui veut dire l'accomplissent d'un trvail en vue d'obtenir une récompense uniquement d'Allah le Tout Puissant.
3°- cette charge est considérée comme une obéissance aux prescriptions coraniques, du verset suivant : « qu’il y ait parmi vous des gens appelant à ce qui est bon , ordonnant le bien et défendant le mal ».
Cette charge, comme le montre ce verset, incombe à tout musulman sans exception.
Cependant el-Mawerdi dans « el Ahkam el-Soultaniya » (les statuts gouvernementaux), spécifie le Mohtasib, en le distinguant de neuf qualités , lui permettant d'agir et d' être écouté et obéi par "el-Oumma "( la Nation ) tout en étant couvert par l'autorité supérieur, c'est-à-dire le Cadi et le Sultan . Ce fonctionnaire est nommé par le cadi qui doit aviser toutefois, le Sultan.
« L'office du Mohtasib est proche de celui du Cadi , nous précise Ibn Abdoun, il est le porteparole du Cadi, son chambellan , son vizir et son lieutenant , si le Cadi a quelque empêchement, c'est le Mohtasib qui doit juger à sa place dans les affaires de sa compétence et relevant de ses charges » .
Beldiceanu, N, a analysé de nombreux documents et actes concernant la nomination des Cadi et celle des Mohtasib qui se pratiquaient séparément.

Précisons que le Mohtasib est payé du bayt el-mal ( بيت الما ل ). Ibn Abdoun dit à ce propos  :
« Une solde lui sera attribuée : elle sera prélevée sur le trésor des fondations pieuses et lui permettra de subvenir à ses dépenses personnelles. ».
Le passage ci- après du docteur Hassan Ibrahim Hassan, mentionne la valeur même de cette rémunération : « Le Mohtasib était parmi les grands fonctionnaires à l'époque fatimide ; il avait à sa charge la surveillance des souk et la conservation des mœurs, il vérifiait la validité des poids et veillait à l'application de ses attributions (son divan) il était élu parmi les bons musulmans, car sa fonction est quasi – totalement religieuse ; il recevait chaque mois un salaire estimé à trente dinars. »
Ibn Abdoun attire notre attention à ce que l'on veille au bon exercice de cette fonction car elle embrasse l'ensemble de la vie sociale. Cependant d'autres juristes, ont bien classé les attributions du Mohtasib, ils se sont basés sur le verset coranique cité plus haut, pour en constituer deux grandes catégories répondant aux deux principes fondamentaux :
  • ordonner le bien
  • interdire le mal.
Ils ont subdivisé chacune ces deux catégories en trois branches :
  • ce qui se rapporte au droit d'Allah lui- même ;
  • ce qui se rapporte aux droits de l'individu ;
  • ce qui se rapporte aux droits communs d'Allah et de sa créature.

2. les attributions urbaines du Mohtasib.

Assisté par le cadi le Mohtasib doit prescrire des recommandations concernant les techniques de la construction, auprès des maitres d’œuvres et des maçons.
Résumons les recommandations indiquées par Ibn Abdoun par :
  • L’épaisseur convenable des murs
  • La fiabilité du système constructif, en entrant dans les détails, tels que la section des poutres porteuses, l’écartement entre-elles, etc…
  • La mise en œuvre de la maçonnerie : l’imbrication des briques d’angle.
  • Les matériaux de construction.

2.1. Marchés.

  • Le Mohtasib, doit assigner un emplacement à chaque corps de métier : ainsi, chaque artisan se trouvera à quartier fixe avec ses confrères.
« Cela, dit el-Nabrawi, est plus commode pour ceux qui veulent acheter quelque chose de ces négociants et aussi plus avantageux pour leur métier. »
  • Il doit faire éloigner les boutiques faisant des dommages à leur voisines, en dégageant par exemple de la fumée. C'est le cas des boulangers, gargotiers, forgerons qui doivent s'éloigner des épiciers, des parfumeurs et des marchands d’étoffes.
  • Il doit veiller à ce que les commerçants nettoient les bazars avec des balais, et d'en enlever toutes les souillures qui nuisent aux passants. El-Nabrawi s'est appuyé sur le hadith :
"Que rien n'y soit une cause du dommage ni de tort ! ".

2.2. Les corporations des maçons.

-Le Mohtasib doit veiller à que les tuiles et les briques soient fabriquées hors des portes de la ville. Il y a lieu d’améliorer la cuisson des briques et des tuiles ; et il ne faut pas employer de briques crues avant qu’elles n’aient prises, en séchant au soleil, une teinte blanchâtre. On ne doit pas utiliser pour la fabrication des tuiles et des briques crues, des moules usagés qui ont été rabotés et ont perdu de leur épaisseur. Ces moules doivent être massifs, de longueur de leur épaisseur. Ces moules doivent être massifs, de longueur, de largeur et d’épaisseur déterminées et connues du Mohtasib et des ouvriers.
- Le Mohtasib , doit prescrire , également, au scieurs ( de bois) de ne scier les poutres que suivant les donnée qu’ ils ont reçus ; de même de scier les voltiges en leur laissant une épaisseur suffisante .
- En ce qui concerne les clous, ils doivent, quelle qu'en soit la taille, être épais, de forme régulière et présenter une grosse tête ; de même les serrures des armoires ; les cadenas de celles-ci doivent être massifs, épais et renforcés. Le Mohtasib désigne un expert dans l'art de menuiserie qui l'aidera à surveiller toutes ces productions.
- Le Mohtasib doit interdire la construction aux endroits d'où l'on extrait de la terre à crépir
et du gravier, « Car, ajoute Ibn Abdoun ces endroits sont d'utilité publique ».
-Ibn Abdoun attribue la protection du port de Séville au Cadi. Cependant celui- ci pourra déléguer ce pouvoir à la charge du Mohtasib. Il faut éviter qu’en aliène la moindre parcelle ou qu’on y édifie la moindre construction. Comme le fleuve guadalkivir passait au centre de la ville, Ibn Abdoun précise :
″ Cet endroit constitue le point vital de la cité, le lieu d’exportation des marchandises, le chantier de réparation des bateaux ; aussi ne doit –il pas s’y trouver de propriétés privés ; l’ensemble doit appartenir uniquement à l’état. Il faut prescrire aux curateurs des successions de ne pas vendre un seul empan de terrain des quais.″
On relève de cette citation, un souci pour la délimitation de réserves foncières d’une part, et la séparation entre la propriété publique et la propriété privée d’autre part.

2.3. Inspection des possesseurs de fours

  • Le Mohtasib doit distribuer l’emplacement des fours, dans les rues, les quartiers et les différents endroits de la ville, d’une manière équilibrée, à cause des avantages qu’ils procurent.
  • Il ordonne aux propriétaires de maintenir en bon état les cheminées et de nettoyer les pavés du four avec des balais à chaque heure.
  • De larges ouvertures doivent être pratiquées dans leurs toits afin que la fumée puisse sortir.
  • Le Mohtasib doit avoir une liste des noms des boulangers et des tenanciers de bains avec les adresses de leurs boutiques pour lui faciliter le contrôle.
  • Le Mohtasib peut même imposer à chaque boutique des boulangers, l’obligation de fournir chaque jour des quantités déterminées de pains, pour éviter tout désordre dans la ville.

3. Conclusion.

On voit ici se dégager une des façons de gestion urbaine forgée par la charia. En effet, la hisba comprenait dans ses attributions une pratique urbaine bien précise. Le Mohtasib peut être considéré comme un vrai préposé urbain. Résumons la partie de ses fonctions qui concerne la pratique de l’espace par :
  • Distribution des équipements dans l’espace urbain, selon leur nuisances ou gêne provoquée aux habitants (fours, forges, vente de matériaux de construction…)
  • Entretien des équipements publics, et contrôle de leur fonctionnement, tels que les cimetières, ports, mosquées, murailles…
  • Contrôle des services urbains : alimentation en eau potable, assainissement, du point de vue hygiène.
  • Faire respecter les réserves foncières, pour l’extension future des équipements publics.
  • Nous avons vu l’exemple du port de Séville sur le fleuve Guadalkivir .
  • Exécution de l’expropriation pour cause d’utilité publique, après la délibération du Cadi ou du Sultan.
  • Contrôle de l’hygiène publique en générale,
    • en inspectant les fours et les fournisseurs de denrées alimentaires
    • en obligeant les riverains de balayer le devant de leur maison, et les commerçants, le devant de leurs boutiques
    • en chargeant un préposé de nettoyer les parvis des mosquées, le jour du vendredi …
  • Exécution des délibérations des Cadi, concernant les problèmes du vis-à-vis et les rapports du voisinage.

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