Cours 3. Le patrimoine le développement local

Université de Béchar
Master I. Préservation du cadre patrimonial bati au Sahara
Histoire de la consevation I
Enseignant Abdelmalek Houcine

Cours 3. Le patrimoine le développement local

histoire-de-conservation-cours-3-le-patrimoine-le-developpement-local.jpg

Plan

  • Notion de territoire
  • Relation Patrimoine / territoire
  • Le processus de la patrimonialisation
  • Patrimoine et développement

Ref. bibliographiques.


  • Michel Vernières (Professeur émérite). La contribution du patrimoine au développement local : enjeux et limites de sa mesure, CES-Université de Paris 1, 2012.
  • Michel Vernières. Patrimoine, patrimonialisation, dév. local :un essai de synthèse interdisciplinaire, 2011.
  • Pierre-Antoine L. et Nicolas S., « Patrimoine et territoire, les nouvelles ressources du développement », 2014.

1. Notion de territoire

Espace physique et social identifié : un territoire.Un « territoire », est une « étendue de la surface terrestre sur laquelle vit un groupe humain, et spécial. Une collectivité politique nationale. ( état, nation, pays).
Le territoire de référence engagé dans une dynamique de développement local n’est pas isolé, mais articulé à d’autres espaces emboîtés les uns dans les autres. Différentes échelles peuvent être relevées :
  • le global (le mondial),
  • le continent (Afrique),
  • le pays (national)
  • le local (régional).
Un territoire est « habité ».L’existence d’une communauté territoriale et le sentiment d’appartenance sont des facteurs essentiels.
Plus qu’un espace géographique, la notion de territoire insiste sur l’importance des hommes qui y vivent. Un lieu est marqué par les traces laissées par ses habitants passés et présents. Elles témoignent de la relation des hommes avec leur environnement.
L’activité humaine se structure avec les contraintes du milieu et la conditionne en déterminant les caractéristiques d’une certaine vie sociale, politique et économique et une sociabilité : des modes de vies, des rites, des façons d’être au monde et des modes de vie collectives. Une identité collective singulière s’en détache unie par une histoire commune.
Par ailleurs, un territoire se réinvente perpétuellement. Les hommes l’investissent différemment à travers le temps. Chaque génération confrontée à l’évolution de son environnement (révolution technique, contexte historique, idéologies, etc.) interagit avec son propre cheminement interne.
Un développement local s’inscrit toujours dans l’histoire du territoire. Les traditions historiques restent comme des socles sur lesquels l’avenir peut se construire. Les émergences patrimoniales révèlent des désirs, des envies, des besoins voire des espérances. En un même territoire, le potentiel de « mises en patrimoine » est riche et varié.

2. Relation Patrimoine / territoire

Le patrimoine est un outil essentiel dans la création de l’identité territoriale des nations. Les monuments historiques deviennent une affaire d’État et font l’objet d’une politique publique. « L’héritage » défini ainsi consiste alors à légitimer la volonté de vivre ensemble dans une Nation, perçue comme le résultat d’un territoire distinct, avec ses propres institutions et sa propre population.
Il s’agit d’effectuer un tri en mettant de côté, les éléments qui méritent une protection, ceux auxquels l’ensemble de la population nationale peut s’y reconnaître.
L’ascension d’un élément au rang patrimonial est le résultat de l’action conjuguée de la sensibilité de la société et des choix effectués par les « entrepreneurs du patrimoine »: hommes d’État de Lettres, artistes, écrivains, dont le rôle, est de définir le corpus du patrimoine national. À travers eux, la volonté publique choisit ses emblèmes et ses symboles. Le patrimoine apparaît donc comme une construction à la fois historique et politique.
En même temps, en sont exclus d’autres qui relèvent d’un passé qu’on pourrait qualifier d’hostile, d’inconfortable, ainsi que ceux qui peuvent porter préjudice à l’unité nationale; et il va de soi que le choix du passé est gouverné par des stratégies présentes : on cherche à légitimer le présent, plutôt qu’à le mettre en cause.
Les “monuments historiques”, ont progressivement cédé la place au « patrimoine », terme beaucoup plus générique qui englobe des témoins autres que les grands témoins officiels du passé. À côté des édifices majeurs, les monuments « mineurs » réclament la reconnaissance régalienne et le droit de passer à la postérité.
L’émergence de « nouveaux patrimoines », n’est donc plus l’expression unique de la Nation, mais celle de groupes vivant et produisant des « patrimoines » sur le territoire national. Dans un certain sens, il s’agit d’un véritable éveil du local, qui revendique le statut patrimonial pour des éléments qui ne représentent qu’un groupe limité. La « mémoire nationale », cède donc la place à des « mémoires plurielles ».

2.1. Les idées genèses du patrimoine

Le patrimoine est continuellement construit, produit par différents acteurs. Mais ce qui mérite d’être analysé en premier lieu, ce n’est pas le type du patrimoine produit, mais l’idée du projet qui porte sa construction.
Les différents projets et les motivations des “entrepreneurs du patrimoine” sont alors beaucoup plus importants à analyser que les types de patrimoine produit. La construction patrimoniale n’a ainsi de sens que si elle est portée par un projet, elle n’est saine que si le projet qui la porte l’est aussi.
Les motivations des acteurs et leur “projet” de construction patrimoniale peuvent ainsi nous instruire sur les rapports que les groupes sociaux entretiennent avec leur territoire et, à travers ceci, sur la manière dont ils construisent la société. Ainsi 3 approches peuvent être dégagées :
1. Le patrimoine comme appropriation
Dans le processus, patrimonialisation et territorialisation vont de pair.
Patrimonialiser un élément permet d’enraciner celui-ci à un espace, et par cet intermédiaire de s’approprier l’espace dans lequel il se trouve.
2. Le patrimoine comme “étendard”
La construction patrimoniale s’inscrit dans des projets de revendication sociale: créer du patrimoine pour exister, pour revendiquer non pas des retombées économiques, mais sa place dans la société; se démarquer des autres, mettre en évidence ses particularités, sa culture, sa vision de société. Dans cette logique, le patrimoine se porte comme un drapeau identitaire (que ce soit par un individu, un groupe, une collectivité territoriale). La patrimonialisation sert la territorialisation. Exister, c’est aussi exister sur un territoire.
3. Le patrimoine comme lien social
De même que le territoire, le patrimoine joue le rôle du ciment identitaire. Si le patrimoine peut pertinemment exister sans assise territoriale, la territorialisation a besoin de marqueurs patrimoniaux: “si l’on veut concevoir un espace géographique signifiant pour l’individu et pour la société, l’on ne peut se dispenser de lui conférer une valeur patrimoniale”

3. Le processus de la patrimonialisation

La patrimonialisation, est un construit sociale . Notre société accepte qu’a priori, tout puisse devenir patrimonial. Tout, mais pas n’importe quoi. Certains éléments émergent en tant que patrimoines, d’autres pas.
La patrimonialisation, est en effet une véritable construction, faite de manière à la fois émotionnelle et intellectuelle, éminemment dynamique, s’adaptant toujours aux sensibilités, aux désirs, mais aussi aux intérêts de la société concernée.
La production patrimoniale cherche incontestablement à s’appuyer sur des légitimités historiques ou géographiques, mais elle n’a pas un caractère d’automaticité: La production n’a lieu que s’il y a des producteurs: ceux qui élisent les éléments à patrimonialiser et non pas la qualité (esthétique, date, histoire) des éléments en question. Le rôle de ces producteurs, est, de sélectionner, de trier, de montrer, d’expliquer, d’interpréter, bref, de rendre compréhensible, visible, désirable, ce patrimoine en émergence.
Ce processus de “construction patrimoniale”, est étroitement lié à la construction territoriale. La territorialisation s’appuie sur des démarches patrimonialisatrices : le territoire est avant tout la terre des ancêtres, la tautologie entre territoire et terre de sépulture des ancêtres est claire et directe.
Si dans le passé des critères “objectifs” tels que l’ancienneté ou la qualité esthétique jouaient un rôle important dans la constitution du patrimoine (qui devait inévitablement être ancien, beau, historique, monumental), on accepte aujourd’hui dans le champ patrimonial des objets d’un passé très proche et sans prétention esthétique.
Paradoxe
La nature consensuelle du processus de construction patrimoniale ne va pas de soi. Le patrimoine est créateur du “lien social”. Mais si le patrimoine sert à réunir (construction d’un “nous”) il sert aussi à creuser des fossés et des frontières (“notre patrimoine n’est pas le leur”).
Dans tous les cas, la “construction” patrimoniale apparaît intimement liée à des enjeux d’appropriation de l’espace. Elle exprime les motivations de groupes sociaux qui cherchent à se placer, à faire valoir leurs revendications, à construire ou à contrôler des territoires, bref, à construire la société.
La revendication de la protection et de la valorisation d’un site, d’un monument, d’un espace donné, en mettant en avant des qualités patrimoniales (en « construisant » du patrimoine) est souvent un moyen déguisé de se l’approprier, réellement ou symboliquement, c’est se construire une légitimité (territoriale, identitaire, mémorielle) et, par ce biais, exercer une forme de pouvoir. Les conflits patrimoniaux sont ainsi, le plus souvent, des conflits territoriaux.

4. Patrimoine et développement

L’espace local doit générer sa propre dynamique économique et social en s’appuyant sur ses ressources, ses capacités d’initiative et d’organisation. Le processus s’exerce sur un espace physique et social identifié : un territoire.
Le développement local peut s’ppuyer sur le patrimoine en valorisant les « richesses » collectives :
  • Des identités,(caractéristiques de la société)
  • Des paysages naturels,
  • Des traditions culturelles,
  • L’histoire de la communauté et l’ensemble de ses variations.
Son objectif est d’améliorer le quotidien des habitants. Le projet peut intégrer plusieurs échelles de territoires ou se limiter à un seul.
Les acteurs du développement, assurent une expertise ainsi qu’une consultation du territoire, pour l’identification des mises en patrimoine émergentes, des ressources et des besoins des habitants. Ils les aident et les accompagnent dans la réappropriation de leur environnement en faisant émerger la priorité des actions.
Il existe parfois des intérêts divergents, voire concurrents, sur un même patrimoine au sein d’un même territoire. La « possession/propriété » est un point de litige récurrent dans de nombreuses situations.
Comment concilier les intérêts de tous lorsque plusieurs possessions s’exercent sur un même objet ?
Les acteurs de développement local agissent en médiateurs. Un projet de développement local doit servir la société et non la diviser.

Enregistrer un commentaire

Plus récente Plus ancienne