Le mouvement moderne de l’architecture: naissance et declin du concept de l’architecture autonome Dr. FOURA Mohammed

M. FOURA
Département d’Architecture et d'Urbanisme : Faculté de l'Aménagement du Territoire
Université Mentouri Constantine (Algérie)

LE MOUVEMENT MODERNE DE L’ARCHITECTURE: NAISSANCE ET DECLIN DU CONCEPT DE L’ARCHITECTURE AUTONOME

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Résumé

Les architectes visionnaires de la fin du 18ème siècle vont "mettre en pièces la cité baroque", cassant l’enchaînement traditionnel pour créer des bâtiments "autonomes", rationalisés, constructions normalisées et économiques qui aboutira à la notion de "bâtiment-type".
La révolution industrielle du 19ème siècle va entraîner des bouleversements importants de part la mise au point de nouveaux procédés techniques (préfabrication, standardisation). Le 19ème siècle est témoin aussi de l’apparition de l’utopie en tant que remède aux villes surpeuplées. Ainsi, ces concepts vont être les éléments constitutifs du Mouvement Moderne de l’architecture au 20ème siècle.
Pendant plusieurs décennies, les architectes modernes du 20ème siècle, vont entreprendre jusqu’au bout les idées des visionnaires du 18ème siècle, des constructeurs et des utopistes du 19ème siècle.
Au début des années 1960, l’uniformité, l’homogénéisation et la monofonctionnalisation de l’urbanisme et de l’architecture moderne va induire le déclin de l’architecture et de l’urbanisme moderne.
Mots clés: bâtiments autonome, bâtiment-type, standardisation, préfabrication, utopie, logement social, monofontionnalisation, postmodernisme.

Abstract

Visionary architects at the end of 18th century "put in pieces the baroque city" breaking the traditional chained streets and plazas in order to create " autonomous " buildings, standardised an economical construction that resulted in the concept of “building-type”. 19th century industrial revolution led to considerable disruption and the innovation of new technical processes (prefabrication, standardisation). Moreover, 19th century witnessed the appearance of utopia as a solution to overpopulated cities. As a result, these concepts were going to be the constitutive elements of the Modern Movement in architecture of the 20th century.
During many decades, 20th century modern architects, were thoroughly going to undertake the ideas of the 18th century visionaries, as well as the19th century builders and utopians. At the beginning of the sixties, the uniformity, homogeneity, monofonctionality of modern architecture and tow planning inducen the decline of modern architecture and town planning.
Key words: autonomous building, building-type, standardisation, prefabrication, utopia, social housing, monofonctionality, methodologism, postmodernism.

LES RACINES DE L’ARCHITECTURE MODERNE

L’enchaînement des bâtiment: une composition urbaine séculaire (Figure 1)

L’enchaînement des bâtiments [1], qui a été un des principes fondamentaux du développement urbain hérités de la Renaissance, nous montre que dans le tissu urbain les édifices sont construits à partir d’éléments fortement rattachés les uns aux autres pour représenter en quelque sorte une "composition" uniforme.
Cette connexité aboutit au fur et à mesure à un élément prépondérant de l’édifice qui peut être le point culminant de la composition et cela peut être le dôme d’un édifice, l’entrée d’axe d’un palais ou le beffroi d’une mairie. L’enchaînement est souvent marqué par des limites claires telles que les murailles autour d’une ville ou les piles d’angle à l’extrémité des bâtiments.
Cet ordre (hiérarchie) et cette limitation de l’espace nous offre une image exacte de la hiérarchie et des contraintes des sociétés de l’époque. Cet enchaînement "baroque" proviendrait directement de l’enchaînement naturel des choses, c’est-à-dire que "les parties d’un bâtiment ou d’une ville sont assemblées comme les branches d’un arbre ou comme les membres d’un corps humain" [2].
L’enchaînement baroque a toujours mis en évidence le décor et l’ornement par l’intermédiaire du langage classique: les architraves, les chapiteaux, les pilastres, les colonnes, les frontons, les corniches, les encadrements de baies et les motifs sculptés qui ne sont pas seulement des fantaisies.
L’ornementation participe à faire l’unité de l’édifice ou d’une ville. L’ornement est la base fondamentale de l’enchaînement.
Cet intérêt pour l’ornementation des architectes de l’époque a pour but de donner une plus grande importance au symbole qu’à l’utilité, à l’architecture monumentale qu’à l’architecture fonctionnelle, c’est-à-dire à privilégier le symbole que l’usage.
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Figure 1

La remise en cause de l’enchaînement (Figure 2)

La règle de l’enchaînement a été indirectement remise en cause par la pensée rationaliste, dont les premiers maîtres ont été Descartes (1596-1650) [3] et Kant (1724- 1804) [4]. Les architectes du 18ème siècle se basant sur la notion de " raison " vont rejeter l’enchaînement pour le remplacer par un nouveau principe fondamental basé sur l’autonomie des bâtiments [5].
Une des sources idéologiques fondamentales du mouvement moderne estsans doute la pensée rationaliste du 18ème siècle. Les architectes de ce mouvement vont reprendre les recherches des utopistes de ce siècle tels que Ledoux et Boullée [6].
Boullée et Ledoux ont imaginé des bâtiments dans lesquels plus rien n’est relié à rien, et qui étaient euxmêmes isolés de leur environnement. Pour bien affirmer cette façon de penser, ils ont donné à leurs bâtiments des formes cubiques, cylindriques et même sphériques, la sphère représente l’autonomie par excellence. Ils ont aussi imaginé des villes pavillonnaires composées d’édifices juxtaposés et conçus sans aucun lien avec leur site comme par exemple la ville d’Arc-et-Senans dessinée par Ledoux.
Ces architectes ont aussi rejeter toute idée de hiérarchie étant donné que leur bâtiments ne comporte aucun élément dominant et, comme le dit Ledoux : "Pour la première fois on verra sur la même échelle la magnificence de la guinguette et du palais".
Ils ont aussi rejeté toute contribution extérieure, cherchant à remonter constamment aux principes, souhaitant retrouver la pureté de la création originale. Ils ont surtout refusé toute idée d’ornementation et comme le dit Durand: "Il est aussi ridicule qu’infructueux de chercher à décorer des édifices par des moyens chimériques".
Ces architectes du 18ème siècle vont rejeter aussi le Figure 1 symbole pour le remplacer par la fonction. Ledoux affirme à ce sujet que "tout ce qui n’est pas indispensable fatigue les yeux, nuit à la pensée et n’ajoute rien à l’ensemble".
Ces architectes utopistes ont été de parfaits révolutionnaires parce qu’au-delà de l’architecture baroque, ce sont toutes les idées de leur époque qu’ils rejetaient, et finalement la société elle-même qu’ils refusaient. L’enchaînement baroque a été le symbole des hiérarchies et de contraintes des sociétés préindustrielles. De la même façon, l’autonomie des bâtiments de l’architecture moderne symbolise l’uniformisation et la désintégration des sociétés industrielles [7].
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Figure 2

L’avènement de la préfabrication et de la standardisation

Bien qu’au 19ème siècle le néoclassicisme se développe et s’impose à mesure que l’Antiquité devient un enjeu idéologique avec l’influence grandissante du goût du pittoresque qui se traduira dans le Romantisme, cette période est caractérisé aussi, et surtout, par les transformations engendrées par la révolution industrielle.
L’architecture, la construction et l’urbanisme se refléteront Le mouvement moderne de l'architecture: naissance et déclin du concept de l'architecture autonome. dans ces changements qui vont se produire pendant tout le 19ème siècle.
L’avènement d’un nouvel ordre socio-économique, en plus de la poussée démographique, vont créer une demande d’édifices nouveaux, destinés à de nouvelles fonctions. Ce sont les bâtiments industriels, usines, entrepôts, grands magasins, hôpitaux, prisons, musées etc. Ils n’ont aucun
modèle dans l’histoire de l’architecture.
L’industrialisation a nécessité aussi la création et le développement de nouveaux moyens de communication, tel que le chemin de fer, et par conséquent la construction de ponts, de grandes gares, de viaducs etc. Etant donné que les techniques de construction, les matériaux et les services inhérents étaient désormais disponibles, leur utilisation intrinsèque va changer radicalement l’architecture fonctionnelle.
La construction en fer forgé du pont de Coalbrookdale [8] va ouvrir une nouvelle ère et va augmenter l’intérêt pour les constructions métalliques. Déjà au début du 19ème siècle les Anglais savaient construire des bâtiments industriels aux structures métalliques (poteaux en fonte et poutres en fer forgé). Ignifuges, économiques, solides, réalisables rapidement et peu encombrantes, ces nouvelles constructions peuvent couvrir de très grandes surfaces et supporter de lourdes charges.
Ces édifices sont érigés par des ingénieurs qui construisent plus grand, plus haut et sur des plans libres flexibles.
A partir de la moitié du 19ème siècle, le progrès dans l’industrie métallurgique va permettre son emploi massif dans toutes sortes de construction. Les grandes expositions universelles vont donner l’accent à l’emploi de structures légères et donc à la combinaison fer-verre dans la plupart de leur pavillon. La première exposition inaugure le légendaire "Crystal Palace" de Joseph Paxton [9], où l’on voit pour la première fois l’utilisation d’un système de préfabrication reposant sur la standardisation des éléments de la construction métallique. Ceci prouve que l’on peut construire autrement qu’en pierres. Une nouvelle ère vient de commencer.

L’utopie: le rêve de la cité idéale

La révolution industrielle va engendrer certaines conséquences dont les plus sérieuses sont: la crise du logement, la pollution, les maladies, l’entassement de la population. La crise du logement et le prolétariat urbain Figure 2 vont pousser les gens à trouver des remèdes. La réflexion sur ces remèdes pendant presque toute la deuxième moitié du 19ème siècle aboutira à la naissance de l’urbanisme et de l’architecture moderne.
Les premiers urbanistes n’étaient pas des architectes mais des hommes de loi, juristes, médecins, politiciens. Ils réfléchissent sur le bien-être des gens. Ce sont en particulier, d’abord les philanthropes, et ensuite les socialistes français et anglais. Leur réflexion est théorique car ils n’ont pas le pouvoir pour réaliser leur décision qui est la plupart du temps utopique.
C’est ainsi que les intellectuels du 19ème engagés dans la bataille des réformes sociales vont redécouvrir Platon et surtout Thomas More dont l’écrit " Utopia " [10] datant du 16ème siècle est une critique qu’il propose, celle d’un homme engagé dans la politique de son temps qui oppose aux maux sociaux de son temps, son idéal de justice social et d’ordre moral dans l’imaginaire "île d’Utopie".
L’utopie au 19ème siècle est la réaction d’une classe sociale par rapport à l’ordre établit. C’est la vision rassurante d’un avenir planifié exprimant par des symboles classiques les rêves et son désir profond de remettre en cause les structures rigides de la cité traditionnelle. F. Choay considère comme utopiques toutes idées situationnellement transcendantes (et pas seulement les projections de désirs) qui ont d’une façon quelconque un effet de transformation sur l’ordre historico-social existant ainsi que les propositions d’ordonnancements urbains librement construits par une réflexion qui se déploie de l’imaginaire faute de pouvoir donner une forme pratique à la mise en question de la société. La réflexion se situe dans la dimension de l’utopie [11].
Au cours du 19ème siècle, F. Choay nous montre que les utopistes étaient représentés par deux courants principaux, l’un fondé sur le concept de progrès, animé par les utopistes progressistes tels que Robert Owen, Fourrier, Godin, Cabet, et l’autre fondé sur le concept de culture, animé par les utopistes culturalistes tels que Pugin, Ruskin, Morris, E. Howard [12]. L’auteur fait remarquer aussi que les deux courants sont fondés sur une idéologie sociétaire et hygiéniste.
Le développement de l’industrialisation en Angleterre, plus accéléré par rapport à toute l’Europe, engendre des transformations plus inquiétantes. La cité industrielle apparaît plus étrangère, inconciliable et contradictoire par rapport aux formes les plus élémentaires de sociabilité.
C’est dans le but de mettre fin aux conséquences désastreuses de la ville industrielle que Robert Owen propose dans les années 1820 des projets de villages modèles, précurseurs des cités-jardins d’Ebenezer Howard, où vivront ensemble agriculteurs et manufacturiers.
Les fouriéristes, plus entreprenants dans le domaine de l’organisation sociale de l’avenir, proposeront des projets de communautés idéales appelées " phalanstères " dont le rôle sera de sauver l’humanité grâce à des coopératives agricoles et manufacturières. L’application la plus
rapprochée de ce genre de projet sera concrétisée dans le "familistère" par J.B. Godin à Guise, où est expérimentée pour la première fois l’idée de logement social.
Le mouvement des cités-jardins, né à la fin du 19ème siècle, fera largement écho de ses idées à travers le monde, surtout au début du 20ème siècle. Bien que son importance diminuera avec l’apparition des théories urbaines rationalistes du mouvement moderne, la théorie de Ebenezard Howard [13] persistera dans la planification urbaine de beaucoup de pays, particulièrement dans l’établissement de "Nouvelles villes" jusqu’aux années 1970. En effet, ce mouvement créera une nouvelle école en urbanisme dont les théories s’opposent au machinisme, préconisant le "désurbanisme" des grandes agglomérations grâce à la fondation de villes satellites. En France, la remise en ordre de certaines villes industrielles qui s’étaient développées à la fin du 19ème siècle, donneront à Tony Garnier des exemples concrets pour la conception de son
projet utopique de la "Cité Industrielle". Les idées de T.
Garnier vont jouer un grand rôle dans celles de "La ville radieuse" de Le Corbusier.

Le béton armé: un matériau "progressiste"

La mise au point définitive d’un nouveau matériau, appelé béton armé, marque la fin du 19ème siècle. Si l’architecture métallique a pu pénétrer dans l’enseignement des beaux-arts, l’emploi du béton armé est rejeté d’emblée par l’enseignement classique académique. Le béton armé est un matériaux né dans le laboratoire (qui impose des dosages et mélanges) et l’industrie (cimenterie), préférablement à l’atelier ou à l’entreprise.
Le béton armé arrive à conquérir une catégorie de constructeurs qui en utilise aussitôt les avantages mécaniques et économiques. Vers la fin du 19ème siècle, ces constructeurs sont des ingénieurs ou des entrepreneurs tels que F. Hennebique, F. Coignet, Monier, dont certains d’entre eux déposent des brevets qu’ils exploitent, la majorité destinés à des subtilités de manipulation ou de constitution, mettant en compétition toute une série de systèmes constructifs [14].
Ces systèmes autorisent la fabrication d’éléments de construction tels que planchers, couvertures, dalles, poutres et parois qui, à condition qu’ils respectent des limites tolérables de stabilité, peuvent être assemblés à volonté pour créer une typologie d’ouvrages fondamentalement révolutionnaire qui fera tant rêver les architectes modernes. " …La technique gagne la faveur des industriels et des architectes, qui sont séduits par ses facultés de substitution et d’adaptation avant de l’être par ses facultés plastiques et structurelles. Incidemment, la " culture technique " des architectes se modifie, délaissant le contrôle de la matière au profit de la forme. En effet le développement du béton armé est d’abord le signe d’une perte de savoir et de contrôle sur les procédés constructifs : même si toute une littérature de divulgation scientifique commence à se diffuser, le calcul et la description de ses éléments sont du ressort des ingénieurs conseils ou des bureaux d’études des firmes qui exploitent leur brevet" [15].
Lentement mais sûrement, à travers ces éléments de construction (poutres, dalles, etc.) le béton armé commence par être intégré au sein de l’architecture. Néanmoins, pour sa définition, son calcul, et sa mise en œuvre, ce matériau exige de nombreuses méthodes de calcul que seuls les exploitants savent maîtriser [16]. C’est l’apparition du "bureau d’études" qui opère en tant qu’intermédiaire entre le concepteur et l’entrepreneur qui demande pour la mise en œuvre plans et descriptifs. "Le bureau d’étude représente cette courroie de transmission active entre le matériau en vrac et les bras prêts à l’emploi… La fonction du bureau d’études techniques (BET) est originale, irréductible à la figure traditionnelle de l’architecte ou de l’ingénieur, professionnels de la prescription également, mais opérant différemment dans la chaîne de production. Le béton armé est " théorisé ": cela signifie qu’avant d’enclencher les procédures opératoires de sa mise en œuvre ou de sa mise en forme, avant d’exister tout simplement, il réclame une stricte description dont la raison ne relève ni du savoirfaire ouvrier, ni de l’entreprise, ni même du projet qui le prescrit mais ‘un modèle conceptuel régi par des lois mécaniques spécifiques" [17].
Ces firmes et bureaux d’études vont proliférer pour constituer une population relativement nouvelle, nourrie principalement par le marché des travaux publics.
Par exemple, un plancher de dalles, n’est plus définissable en fonction des éléments classique en usage, il doit obligatoirement passer par les formules et les abaques des ingénieurs des bureaux d’études. Par conséquent, sous l’emprise du béton armé qui se fonde sur des méthodes prescriptives et des systèmes d’emploi dont la transmission est tout à fait différente, la construction – murs, cloisons, panneaux, structures– va s’adapter à un nouveau processus: celui des dosages et des calculs de stabilité qui ne dépend plus de la conception ou des proportions architecturales.

Le rationalisme donne naissance au concept de "bâtiment-type"

Vers la moitié du 19ème siècle, la révolution industrielle avait déjà transformé radicalement les villes en Europe [18]. Ainsi, les villes se sont étendues démesurément et beaucoup d’édifices et de logements nouveaux furent construits par milliers. Cependant, les modèles architecturaux n’ont pas suivi cette évolution et les nouveaux tracés avaient pour but la création de nouveaux quartiers et en même temps "l’aération" des quartiers insalubres. Souvent, c’était surtout pour effacer le lacis inextricable des rues anciennes. Cependant, cet urbanisme illustrait surtout la volonté d’une bourgeoisie audacieuse et entreprenante voulant léguer aux générations futures un témoignage de son action et montrer en même temps qu’elle peut faire mieux que l’aristocratie et la noblesse. "L’Haussmanisation", qui voulait assainir la ville, la rendre conforme aux flux de la société moderne [19] est contemporaine d’un ensemble de réflexions et d’expérimentation sur le logement social.
C’est à Paris que l’on verra pour la première fois une sorte de "bâtiments types" qui en fait nous rappellent les recommandations de J.N.L Durand [20]. J.N.L. Durand formule des normes et des typologies d’édifices économiquement réalisables. Pour cela, il propose une méthode universelle de construction et des structures économiques appropriées qui seraient créées grâce à la combinaison modulaire de plan-types et de jeux de façades.
Signalons que les travaux théoriques de Durand seront une base de référence très importante pour les architectes modernes du 20ème siècle.
Néanmoins, le rationalisme du 19ème siècle, qui a conduit les constructeurs a érigé des bâtiments-types n’a pas pour autant abandonné l’ornement [21]. Le décor reprenait celui des styles historiques avec un problème que les architectes du 19è siècle n’ont jamais su résoudre: celui de l’emploi des ordres classiques dans la partie centrale des bâtiments et un bossage à sa base.

LA CONCRETISATION DE LA NOUVELLE ARCHITECTURE ET DU NOUVEL URBANISME NE POURRA ETRE ASSUMEE QUE PAR UNE RATIONALISATION ET UNE STANDARDISATION DES MOYENS DE PRODUCTION

Du prototype théorique au projet monumental

L’histoire de l’architecture moderne se divise en deux périodes: la période dites entre les deux guerres mondiales (1919 à 1939) pendant laquelle les architectes ont plus produit des théories et des modèles [22] mais peu construit, et la période après la deuxième guerre mondiale que l’on peu prolonger jusqu’à la crise mondiale de 1973, période pendant laquelle on n'a presque pas théorisé mais beaucoup construit.
Cette alternance entre des périodes de réflexion et d’action est courante en matière d’architecture: on construit à partir des idées accumulées pendant les années d’inactivité et on imagine à partir des expériences accumulées pendant les années de folle activité.
Au cours de la période entre les deux guerres caractérisée par des années de crise, les préoccupations se sont éloignées de la production en masse qui était impossible à l’époque et se sont orientées vers la production exceptionnelle qui permettait d’expérimenter des théories nouvelles. Les architectes ont rêvé de construire des villes entières, mais ils n’ont réalisé que des édifices uniques. Ils ont voulu bâtir des bâtiments en série, mais ils n’ont construit que des prototypes. C’est entre les deux guerres mondiales que vont faire leur apparition les théories qui vont révolutionner l’architecture de notre époque et qui vont aboutir à la doctrine du Mouvement Moderne de l’architecture.
Par contre, au cours des années de croissance (les années 1950 et 1960 jusqu’au début des années 1970), les architectes se sont orientés vers la production en masse, celle du grand nombre, devenue alors indispensable et se sont éloignés de l’édifice exceptionnel, l’urgence étant ailleurs. Ainsi, les architectes ont dû imaginer des villes entières alors qu’ils étaient préparés à construire des monuments.
D’une façon paradoxale, les périodes de crise ont privilégié une architecture monumentale dans un urbanisme traditionnel, alors que les périodes d’expansion ont privilégié une architecture domestique dans un urbanisme monumental. Il faut noter qu’il ne peut exister d’architecture monumentale dans un urbanisme monumental, ni d’architecture domestique dans un urbanisme domestique.

L’urbanisme moderne: Le concept de la ville radieuse chez Le Corbusier ou le rejet de la rue et de la place

En 1923, Le Corbusier affirmait qu’ "Il est temps de répudier le tracé actuel de nos villes par lequel s’accumulent les immeubles tassés, s’enlacent les rues étroites pleines de bruit, de puanteur de benzine et de poussières, et où les étages ouvrent à pleins poumons leurs fenêtres sur ces saletés…" [23].
Plus tard, Le Corbusier publiera "La Charte d’Athènes " (1943) sous forme d’ouvrage dont les grands principes étaient : " Le soleil, la verdure et l’espace sont les trois matériaux de l’urbanisme "... Les clefs de l’urbanisme sont les quatre fonctions : habiter, travailler, se récréer, circuler "... Les plans détermineront la structure de chacun des secteurs attribués aux quatre fonctions-clefs et ils fixeront leurs emplacements respectifs dans l’ensemble. Les fonctions-clefs auront chacune leur autonomie" [24].
Le Corbusier définit la notion "Habiter" comme "le noyau initial de l’urbanisme, une cellule d’habitation (un logis) et son insertion dans un groupe forme une Unité d’Habitation de Grandeur Efficace... La maison ne sera plus soudée à la rue par son trottoir... L’alignement des habitations au long des voies de communication doit être interdit. Les constructions hautes implantées à grande distance les unes des autres doivent libérer le sol en faveur de larges espaces... Introduire le soleil est le nouveau et le plus impératif devoir de l’architecture" [25].
La fonction "Travailler" stipule que "les industries doivent être transplantées sur les lieux de passage des matières premières, au long des grandes routes d’eau, de terre et de fer... Les cités industrielles, au lieu d’être concentriques, deviendront linéaires... Les distances entre les lieux d’habitation doivent être réduites au minimum" [26].
La Charte d’Athènes donne aussi beaucoup d’attention aux "Loisirs et à la Récréation" et recommande que "Tout quartier d’habitation devra comporter désormais les surfaces vertes nécessaires à l’aménagement naturel des jeux et sports des enfants, des adolescents et des adultes... Les nouvelles surfaces vertes doivent servir à des buts nettement définis: contenir les jardins d’enfants, les écoles, les centres de jeunesse et tous les bâtiments d’usage communautaire rattachés intimement à l’habitation" [27].
La "Circulation" fait aussi l’objet de recommandations: "La vitesse du piéton, 4 km à l’heure et les vitesses mécaniques, 50 à 100 km à l’heure doivent être séparées... Il faudra clairement différencier les moyens de circulation et établir, pour chacun d’eux, un lit approprié à la nature même des véhicules utilisés" [28].
La Charte d’Athènes, qui n’était que la simple expression d’une préférence esthétique indiscutablement acceptable à cette époque, va fermer incidemment toutes les portes à la recherche d’autres formes d’habitat pendant plusieurs décennies.
Dans la mouvance de la Charte d’Athènes, les architectes vont dénoncer la rue comme un espace invivable et archaïque. La projétation se "réglera" sur ces doctrines; les règles urbaines, constructives, économiques, fonctionnelles en conforteront la rationalité. Les "modernités", au moment où elles sont vécues, passent pour des lois éternelles qu’un récent passé honni avait un moment bafouées.

Le fonctionnalisme: une méthodologie objective du projet

Le fonctionnalisme en architecture va entretenir auprès de plusieurs générations d’architectes l’illusion d’une "méthodologie objective du projet". J.P. Epron souligne à ce sujet que "la doctrine de l’architecture moderne tente d’accréditer l’idée d’une "perception" objective de l’espace concret. En s’appuyant sur "la théorie de la forme" elle admet implicitement la possibilité de définir un ensemble de règles qui permettraient d’obtenir dans le projet architectural une "bonne forme" [29].
En effet, les C.I.A.M ont été l’instrument par excellence à travers lequel les idées de l’architecture et de l’urbanisme moderne ont été propagées à travers le monde générant un style international [30].
Les nouvelles idées sur l’aménagement urbain ont été regroupées dans un texte célèbre appelé "La chartes d’Athènes". Ce document a été mis au point à la suite d’un congrès international d’architecture moderne (CIAM) (1933). "
  • La notion de l’architecture moderne comporte la liaison du phénomène architectural à celui de l’économie générale.
  • La notion de " rendement" n’implique pas une production fournissant un profit commercial maximum, mais une production réclamant un effort de travail minimum.
  • La nécessite du rendement le plus efficace est la conséquence inéluctable du régime appauvri de l’économie générale.
  • La production la plus efficace découle de la rationalisation et de la standardisation. La rationalisation et la standardisation agissent directement sur les méthodes de travail tant dans l’architecture moderne (conception) que dans l’industrie du bâtiment (réalisation).
  • La rationalisation et la standardisation réagissent de triple façons:
    • Elles réclament de l’architecte des conceptions entraînant une simplification des méthodes de travail sur le chantier et dans l’usine.
    • Elles signifient pour les entreprises du bâtiment la rédaction des corps de métiers; elles conduisent à l’emploi d’une main-d’œuvre moins spécialisée, encadrée d’éléments de forte capacité technique.
    • Elles attendent du consommateur (c’est-à-dire de celui qui commande la maison ou qui l’habite) une révision des exigences dans le sens d’un réajustement aux nouvelles conditions de la vie sociale. Un tel réajustement se manifestera par la production de certains besoins individuels désormais sans raisons véritables, et le bénéfice de ces réductions favorisera la satisfaction aussi large que possible des besoins actuellement comprimés du plus grand nombre" [31].
De cette déclaration de la Sarraz de 1928 au dernier congrès de Dubrovnik en 1956 - où les C.I.A.M étaient déjà passés par trois phases différentes - ces recommandations vont être appliquées presque à la lettre et qui auront des conséquences chaotiques et dramatiques sur le développement de la ville et de sa banlieue en général.

La production en série de la "barre" et de la "tour" commence

La période rayonnante et passionnante du modernisme architecturale a un rapport étroit dès son avènement avec l’évolution fulgurante que bénéficie son matériau de prédilection, le béton armé, surtout pour la construction de logement pour "le plus grand nombre". "En s’occupant de logement, en concevant et en réalisant du logement social, Le Mouvement Moderne de l’architecture a rendu sensible à une question, celle du rapport de l’habitant à son espace…Il souhaita par la suite étendre ses missions à l’ensemble du cadre construit: la société machiniste lui semblait pouvoir offrir l’outillage technique, social et esthétique, apte à répondre à ce projet…" [32].
Au début du 20ème siècle, avec l’avènement des avantgardes de l’architecture qui se croyaient investies d’une responsabilité autrement plus globale que le simple raccommodage des carences de la société industrielle, le débat sur l’architecture devient plus tranchant. Les mutations de la société sont caractérisées aussi à cette époque par la manifestation de la civilisation de masse, la naissance des grandes métropoles avec leurs concentrations industrielles et l’avènement du taylorisme. Toutes ces mutations doivent être réfléchies dans le cadre d’un équilibre plus adéquat entre l’individu et son milieu, un milieu fait dans l’ensemble de nouveaux modèles, de la ville en passant par les édifices jusqu’aux objets industriels dont la conception paraissaient plutôt imparfaites. Pour moderniser les structures sociales et productives il fallait donc d’abord rénover les espaces, les formes et leurs usages.
L’action du mouvement est caractérisée dès le commencement par une attitude portée sur l’engagement politique comme dans le cas du développement du nouveau Francfort par Ernst May qui semblait être un exemple de parfaite collaboration entre un architecte et une municipalité socio-démocrate [33]. Confronté à la production d’un grand nombre de logement, Ernst May avait progressivement développé des techniques de construction standardisées et industrialisées. C’est une collaboration du même genre que les constructivistes russes ambitionnent au début des années 1920.
Entre 1920 et 1930, pratiquement dans toutes les périphéries urbaines nous observons comment la forme de ces ensembles se simplifie, se libère des contraintes du relief pour se soumettre à l’orthogonalité dictée tant par la standardisation des panneaux préfabriqués en usine que par le tracé des voies qui permettent de les acheminer sur le chantier. Cette soumission aux exigences de simplification qu’appelle la production en série s’inscrit dans un discours de progrès social. Il est utile de souligner aussi, que l’industrialisation est présentée comme la condition sine qua non d’un urbanisme moderne, garantissant un logement confortable pour le plus grand nombre.
D’un autre côté, dans l’éventualité d’une vie sociale renouvelée, le débat sur l’habitat collectif et ses modèles est au centre de toutes les réflexions concernant l’architecture moderne même si les grands maîtres de l’architecture moderne ne construisaient encore que des prototypes (villas, etc).
Nonobstant les engagements spontanés de beaucoup d’architectes, les relations entre le mouvement moderne, la société et le pouvoir politique restaient toujours équivoques. Les avant-gardes se montrent un premier temps incertains, avec leur nombre restreint et leur tempérament porté sur l’élitisme qui est en contradiction avec leur attitude favorable à l’action sociale. Aussi, leur attitude à l’égard de l’histoire, qui a été de tout temps remise en cause au profit d’une architecture moderne définitive, est critiquée par leurs contradicteurs qui revendiquent un enseignement académique. Les rapports entre modernité architecturale et politique sont compliqués pour pouvoir être clarifiés.

Industrialisation du bâtiment : fabrication en série d’éléments répétitifs et identiques (Figure 3)

"Le béton est le matériau le moins directif: on peut faire en béton des poutres droites, comme en bois, des courbes, comme en métal, des éléments porteurs épais, comme en pierre, des parpaings, comme les briques en terre cuite, ainsi que des formes "nouvelles" qu’il est le seul à rendre possible. Il n’y a aucune raison d’utiliser le béton toujours dans ses capacités exclusives. On peut sans honte, faire en béton des formes que l’on pourrait réaliser dans des matériaux moins permissifs" [34].
Figure 3
Après la seconde guerre mondiale, la plupart des pays européens vont prêter une attention particulière à l’emploi du béton armé qui sera le matériau par excellence de l'industrialisation du bâtiment dans le but de faire face à des programmes de construction considérables. Des bâtiments entiers sont fabriqués par parties en usine, pour être ensuite assemblées sur chantier par une petite mais efficace maind’œuvre. Cette idée avait déjà été expérimentée en Union soviétique, au Danemark et en Suède, où les hivers très longs ont conduit au transfert en usine de la plus grande partie du temps de travail sur un chantier donné. Pour des raisons économiques et pratiques, les systèmes les plus favorisés étaient ceux utilisant la préfabrication lourde d'unités dans la forme de panneaux (murs, cloisons,
planchers etc.), assemblés sur chantier par différentes techniques. La France, avec sa tradition dans l'ingénierie du béton armé va rapidement devenir parmi les pays les plus avancés dans ce domaine [35].
Découlant de l'idée d'économie dans l'échelle, le bâtiment industrialisé encouragera l'emploi d'éléments de composition répétitifs et identiques. En outre, étant donné que ces unités préfabriquées devaient être soulevées au moyen d'une grue pour être posées les unes sur les autres pour monter le bâtiment, souvent le résultat était des façades planes d'une banalité extraordinaire. Cependant, les avantages du système se trouvaient dans sa précision. Les coffrages métalliques aidaient à obtenir une finition précise du béton, des gaines techniques pouvaient être prévues dans les panneaux avant le montage, les salles de bains et les cuisines assemblées en usine étaient transportées sur le chantier et tout simplement mises en place.
La précision des divers éléments préfabriqués concernant généralement un programme de plusieurs milliers de logements va engendrer une répétition infinie et abrutissante. La conception des blocs d'habitation qui dépendait entièrement de la manutention des panneaux par des grues, va accentuer le caractère rectangulaire de l'ensemble où les bâtiments économiquement trop long, deviendront une source de dépression pour ses propres occupants.
Les mesures de sécurité draconiennes introduites dans la conception de ce genre de système va augmenter les coûts d'une forme de construction qui commençait à être douteuse, et par conséquent la préfabrication lourde deviendra de moins en moins crédible. Cependant, la préfabrication lourde ne sera pas pour autant abandonnée totalement parce qu'elle continuera à être un système privilégié, surtout du point de vue économique par rapport à d’autres systèmes de construction, particulièrement dans les pays en voie de développement.
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Figure 3

Les objectifs du Mouvement Moderne de l’architecture sont atteints

Ces idées qui présageaient des sociétés futures n’ont pas été adoptées pendant la révolution industrielle, bien au contraire, elles ont été étouffées et c’est ainsi que les architectes vont se référer plutôt à l’époque baroque.
Mais ce retour au passé s’est achevé vers 1900 et la pensée rationaliste du 18ème siècle va s’affirmer avec une force plus intense que jamais. Ce que Ledoux et Boullée n’avaient pas pu réaliser complètement, car ils étaient des architectes de transition influencés par la tradition baroque, les théoriciens de l’architecture des années 1920 et 1930 vont le faire jusqu’à l’extrême parce qu’il vont reprendre et développer sans plus aucune concession le principe fondamental de l’autonomie :
  • Rien ne devait plus être relié à rien.
  • Les façades sont composées de fenêtres isolées sur des murs dépouillés et multipliées à l’infini sur des murs rideaux.
  • Les villes sont constituées de bâtiments dispersés sur de vastes espaces libres.
  • Il n’existe plus de hiérarchie et les édifices n’ont plus de toiture, ni entrée d’axe, ni élément dominant, ni limites.
  • Il n’existe plus de références extérieures.
  • L’ornementation a disparu et est considéré comme un "crime".
  • Il n’y a plus de symbole nulle part, mais des fonctions partout.
  • L’architecture n’est plus la création d’une élite pour une élite mais une production de masse pour le plus grand nombre.
Le Mouvement moderne, qui est en fait une école de pensée, a axé sa démarche sur l’idée de "progrès" et avait pour objectif la libération de l’homme par référence à son milieu physique, économique et social.
Le passage d’une architecture élitiste à une architecture du grand nombre, le souci d’une production de masse, le rêve d’une cité universelle ont très vite rapproché les tenants de cette école des mouvements intellectuels les plus avancés de leur époque.
Le Mouvement moderne de l’architecture a été d’une cohérence parfaite car il a mené jusqu’à leur extrême les idées des grands utopistes du 18ème siècle. Ces idées ont été appliquées avec certitude et avec enthousiasme par les architectes, les ingénieurs, les maîtres d’œuvres, les administrateurs et les entrepreneurs à travers le monde entier de 1945 jusqu’à 1975 [36].
Certes, on peut critiquer ces théories parfois trop brutales, trop absolues. Mais une société en expansion a besoin d’idées simples. Ces idées ont souvent conduit à des excès, mais elles se sont également concrétisées dans des réussites spectaculaires. Elles ont été celle d’une société qui a cru en elle-même, qui a réalisé avec enthousiasme une œuvre considérable, et qui l’a faite en partant de rien.

LE DECLIN DE L’ARCHITECTURE ET DE L’URBANISME MODERNE

Réactions et critiques contre l’homogénéisation et la monofonctionnalisation de l’architecture

Après la seconde guerre mondiale, la planification servira à mettre de l’ordre surtout dans l’économie et l’architecture pour soulager la construction dominée par les exigences de célérité et de rendement. Le succès de certains prototypes conçus au sein du mouvement moderne dans la pratique de l’architecture et de l’urbanisme des années 1950 ne doit pas occulter l’insuccès que les avant-gardes ont
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Le mouvement moderne de l'architecture: naissance et déclin du concept de l'architecture autonome.
trouvé dans leur démarche concernant l’éventuelle restructuration de l’environnement social dans sa totalité.
Beaucoup d’architectes en charge de la conception des grands ensembles d’habitation vont se soucier plutôt de l’esthétique du plan de masse tout en renouant avecl’académisme, le tout assorti quelquefois de considérations en rapport avec le sociologisme.
"La Charte d’Athènes a constitué pour les Etats un outil opportun pour justifier le passage en force de l’industrialisation dans la production du bâtiment. La préfabrication en usine d’éléments de construction a pu atteindre dans les années 60-70 une dimension significative qui a permis de faire face à une crise de logement…l’urgence et la quantité en viennent à justifier une standardisation qui élève la répétition au rang d’une raison esthétique à laquelle les architectes se rangeront docilement" [37].
L’uniformité de l’urbanisme moderne ainsi que l’aspect inhospitalier de la plupart des réalisations ne tardent pas à faire l’objet de critiques sévères. Dans les années 1960 et 1970, deux tendances vont s’affronter tout en proposant des solutions pour sortir de cette crise des rapports entre architecture et société.
La première tendance sera animée par un optimisme technologique sans faille que reflète l’élaboration d’un grand nombre de projets de mégastructures et de villes cybernétiques [38]. La tendance adversaire, soutenue par de nombreux hommes de l’art, des lettres et architectes souhaitaient rompre avec les canons du mouvement moderne et les grandes opérations en faveur d’un urbanisme et une architecture respectueuse des pratiques traditionnelles.
"L’architecture a été l’une des premières disciplines en crise face aux nouveaux besoins et aux nouveaux désirs de la société post-moderne: précocité dont la raison est très simple: étant donné son incidence directe sur la vie quotidienne, l’architecture n’a pu échapper au contrôle concret qu’exercent ceux qui l’utilisent; ainsi l’architecture moderne a-t-elle été jugée à travers son produit naturel: la cité moderne, la banlieue dépourvue de toute qualité de vie, le milieu urbain appauvri, et valeurs collectives est devenu jungle d’asphalte et dortoir; la disparitions des caractéristiques locales, du lien avec le lieu: cette terrible uniformisation qui a rendu les banlieues du monde entier
semblables les unes aux autres, sans que plus rien ne permette aux habitants de retrouver leur propre identité dans l’identité particulière d’un lieu " [39].
C’est l’homogéneisation et la monofonctionnalisation qui sont particulièrement condamnées par l’historien Lewis Mumford [40]: la seconde est la conséquence de la première; un zoning à outrance implique une uniformité qui, à son tour, élimine à travers les constructions la fonction symbolique qu’il tient pour l’une des qualités essentielles de l’architecture.
C’est un constat alarmiste que fait L. Mumford sur la ville et son environnement: "nous sommes désormais au centre, non pas de simples menaces, mais de nouvelles formes de destruction" [41]. Il condamne le chaos et l’anarchie urbaine, la perte des valeurs symboliques traditionnellement attachées à la ville, la disparition de la "mémoire sociale" de la cité - traduite aussi en terme de
dédain face à son histoire -, enfin la déshumanisation issue de changements d’échelle participant à uniformiser un paysage toujours plus propice à l’anonymat.
Selon L. Mumford, l’association des multiples composantes qui participaient autrefois à la vitalité de la cité a perdu son caractère organique. Ce qui a donné des agglomérations aux traits architecturaux imprécis qui ont participé à la perte d’identification d’un quelconque "visage social". Les dimensions spacieuses adoptées aujourd’hui pour la création de nouveaux ensembles de logements restent pourtant conjuguées à l’entassement de ces derniers (tours, barres…), et ont contribué à détruire l’intimité procurée par une échelle humaine des constructions.
Finalement, L. Mumford cherche à ébranler ce que l’on retrouvera fréquemment derrière le nom de Le Corbusier: " les dogmes de la Charte d’Athènes". "Première erreur: la "surélévation" de la mécanisation et de la standardisation comme fins en elle-même. Deuxième erreur, la destruction théorique du lien entre le passé et l’avenir, qui ne laisse au présent qu’une importance diminuée.
Troisième erreur enfin, ayant poussé à l’extrême la réaction contre l’entassement urbain, Le Corbusier a commis la faute d’établir des séparations inconsidérées entre les facilités dont la concentration topographique reste essentielle à la vie quotidienne" [42].
En 1961, la sociologue américaine Jane Jacobs publie un livre "Death and life of great American cities", Déclin et survie des grandes villes américaines (1991), un plaidoyer
en faveur de la ville qui va connaître un grand retentissement grâce à la presse [43]. Dans ce livre, J. Jacobs analyse avec détails les qualités des grandes villes, des quartiers mixtes, denses et anciens, critiquant fortement les opérations de rénovation entreprises aussi bien en Amérique qu’en Europe.
En outre, J. Jacobs remet en cause les certitudes fonctionnalistes et hygiénistes des tenants du Mouvement Moderne, arguant que les idées modernistes de rénovation pouvaient être opposées par des valeurs inverses et tout aussi fondées. Ce livre va soulever un vent de protestation parmi le public et les habitants et aussi parmi les urbanistes et les architectes eux-mêmes. L’auteur fait aussi appel à des arguments très pragmatiques en faveur de la sécurité et la lutte contre la délinquance qu’ont engendrées les grands ensembles. Rejoignant les conclusions de Lewis Mumford dans son ouvrage "The City in History"(1961) [44], J. Jacobs se fait la propagandiste de la rue traditionnelle bordée de commerces et de bâtiments continus et alignés étant donné que cela favorise un sentiment de bien être et de sécurité.
Une analyse de la nouvelle politique des villes sera mise en œuvre dans le cadre de la décentralisation tout en mettant l’accent sur la participation du public, le refus de la ségrégation sociale et la création de nouvelles solidarités par la mise en relation des quartiers et des agglomérations.
Les grands ensembles d’habitat social, caractérisés par la laideur et l’insécurité, ont prouvé leur inefficacité manifeste dans le vandalisme, la délinquance et la criminalité. L’environnement urbain s’était dramatiquement détérioré par la construction de gigantesques infrastructures routières au nom d’un système efficace pour le trafic et la circulation motorisée. Enfin, l’évidence caractérisée de l’utilisation par ces sociétés d’une manière extravagante des ressources mondiales sans prendre en considération la pollution qui augmentait d’une manière inquiétante.
En France, dès 1965, la philosophe Françoise Choay, en redécouvrant certains anciens écrits oubliés appartenant à certains penseurs sur la ville, hommes de lettres, politiciens, architectes, révèle la suprématie et la domination de la doctrine moderniste. "Allons-nous considérer que l’ensemble des textes instaurateurs d’espace est exclusivement formé par les traités d’architecture et les théories de l’urbanisme ? Il apparaît nécessaire d’y inclure une autre catégories d’écrits, les utopies… On s’aperçoit alors que l’utopie, en tant que catégorie littéraire créée par Thomas More, comporte deux traits communs à tous les écrits de l’urbanisme : l’approche critique d’une réalité présente et la modélisation spatiale d’une réalité à venir.
Elle offre, au niveau de l’imaginaire, un instrument de conception à priori de l’espace bâti, le modèle" [45]. En les situant dans un courant progressiste et en les mettant en relation avec différentes approches moins radicales et plus concrètes, elle trace une voie distincte en faveur d’une ville qui serait moins en décalage par rapport à son histoire comme de l’homme concret qu’elle abrite [46].
Henri Lefebvre, philosophe et sociologue, expose le relation entre l’organisation spatiale et les rapports de domination qui déterminent "la société bureaucratique de consommation". Lefebvre explique dans ces écrits [47] par des analyses très clairvoyantes sur la disparition de la "forme urbaine", en particulier sur la rue et les groupes de pression en rapport avec le véhicule morosité. La rue consiste en des fonction abandonnées par l’urbanisme moderne: "la fonction informative, la fonction symbolique, la fonction ludique".

La revendication d’une architecture qui allie culture, modernité et tradition

L’anthropologue Edward T. Hall dans son ouvrage [48] aborde un autre genre de question en démontrant pour quelles raisons l’espace réel est structuré, conformément au caractère des rapport et des cultures, par des dissemblances adéquates qu’il appelle " proxémies ". La défaillance de ces conventions dans l’urbanisme moderne a provoqué de grands bouleversements et de profondes désorganisations.
Dans les pays en voie de développement, les modèles de développement occidentaux vont connaître un début de contestation principalement à propos de l’absurdité de techniques qui oppresse à défaut d’émanciper.
De son côté, l’architecte égyptien Hassan Fathy, publie un livre dont l’objet est son expérience d’architecte et d’urbanisme en haute Egypte où il a réalisé dans les années 1940 le village de Gournah, près de Louqsor. H. Fathy va engager un combat inégal avec l’administration qui était convaincue de la supériorité du béton par rapport aux matériaux locaux, tels que la brique de terre.
H. Fathy donne l’accent à cet aspect, où, sans faire l’apologie d’un retour absolu aux techniques traditionnelles, il est convaincu néanmoins qu’elles peuvent être une base solide pour d’éventuelles solutions économiquement abordables des populations des pays sous-développés. En plus des considérations techniques, H. Fathy ajoute la dimension anthropologique qui est exprimée dans la conception de l’organisation spatiale du village ainsi que les formes des maisons et édifices communautaires.
Par conséquent, H. Fathy, en rejoignant les thèses de certains anthropologues, tente de contribuer à réhabiliter la valeur de la tradition, et éclairer un débat devenu trop tranché. Dans "Construire avec le peuple" [49] il consacre aussi un chapitre entier à l’analyse de ce concept et à sa valeur pour l’architecture. "L’architecture n’est pas forcément désuète et synonyme d’immobilisme. De plus, la tradition n’est pas obligatoirement ancienne, mais peut très bien s’être constituée récemment…Quand une tradition a résolu un problème et cessé de se développer, nous pouvons dire que son cycle est parachevé. Cependant, en architecture comme dans les autres activités humaines et les processus naturels, il y a des cycles qui commencent, d’autres qui sont achevés et d’autres qui se trouvent à tous les stades intermédiaires et qui existent simultanément dans la même société… Modernisme ne veut pas forcément dire vie, et l’idéal ne naît pas toujours du changement. D’autre part, il est des situations qui exigent l’innovation. Pour moi, je crois que l’innovation doit être la réponse, profondément pensée, à un changement de circonstances, et non une chose tolérée pour elle-même…" [50].

La théorie "postmodernisme": le recours à l’imaginaire historique

La revendication d’une architecture "post-moderne" s’est manifestée par une réaction très violente à l’égard de l’architecture moderne. Paolo Portoghesi, chantre du postmodernisme s’exprime ainsi à propos de tous ce qui a été entrepris par le Mouvement moderne: "Et ce dont beaucoup ne veulent plus aujourd’hui, c’est du moderne vieilli, de cet ensemble de formules qui, au cours de la seconde décennie de ce siècle, se sont figées en une sorte de code précis et rigide, fait de lois générales qu’on ne peut transgresser" [51]. C’est un procès, donc au moderne et à ses conséquences et selon P. Portoghesi "le mouvement post-moderne est une rébellion dont l’origine est la prise de conscience que depuis soixante ans tout à changé dans le domaine des rapports sociaux et de production…" [52].
Les idées de R. Venturi et C. Moore et de leurs adeptes vont contribuer à l’apparition de nouvelles attitudes à l’égard de l’architecture et à un foisonnement de la création postmoderne. La recherche d’un nouvel enchaînement va conduire à une redécouverte de la ville. La recherche d’un nouvel enracinement va conduire aussi à une redécouverte de la construction et de l’ornement.
L’ornement va devenir l’instrument privilégié d’une nouvelle composition architecturale et qui se réfère à deux traditions: l’une ancienne, celle de l’histoire et l’autre récente, donc moderne. Nous verrons apparaître deux architectures: l’une "historiciste" avec ses frontons, ses colonnes et ses arcades et l’autre "moderniste" avec ses références permanentes aux sources du modernisme, à la période classique de l’architecture Moderne. Par conséquent, la réaction contre les certitudes du passé récent, la recherche d’un nouvel enracinement va conduire les architectes à deux attitudes opposées: l’une romantique, s’inspirant beaucoup des traditions historiques et l’autre rationaliste, s’inspirant plutôt de traditions plus proches.
Les premiers travaux postmodernes ont fait leur apparition au début des années 1960, voulant surtout affirmer une réaction contre tout ce qui venait d’être réalisé par le Mouvement Moderne de l’architecture, contre ses échecs du moins les plus remarquables, surtout l’incapacité de générer un développement approprié et convaincant, et de pouvoir "communiquer" réellement avec l’utilisateur, c’est-à-dire: le public.
Ainsi, l’histoire récente de l’architecture veut être celle de nouvelles racines. Certains architectes vont retourner à l’architecture historique pour redécouvrir les traditions antiques avec ses colonnes, ses chapiteaux, ses frontons et ses ornements, traduit dans des créations contemporaines [53]. D’autres architectes vont remonter aux sources de l’architecture moderne des années 1920 qui est venu rejoindre les grands mouvements architecturaux du passé.
Tout le vocabulaire du Mouvement Moderne (Le Corbusier, Bauhaus, De Stijl, etc.) va faire l’objet d’une réinterprétation dans la façon de penser l’architecture.
Il n’existe pas de doctrine postmoderne, car il n’existe en fait que des réactions contre la doctrine de l’architecture moderne. Charles Jencks donne la définition suivante du postmodernisme: "Le postmodernisme consiste en une variété d’approches qui a pour origine le paternalisme et l’utopisme de ses prédécesseurs (les modernistes), mais ils ont tous un langage architectural à deux codes, d’une part moderne et d’autre part "quelque chose d’autre". Les raisons de ce code double sont technologique et sémiotique: les architectes désirent employer une technologie nouvelle, mais aussi communiquer avec un public particulier. Ils acceptent la société industrielle, mais tout en lui donnant un imaginaire qui dépasse celle du machinisme – l’image moderniste" [54].
Cette nouvelle génération d’architectes a rejeté le principe de l’autonomie architecturale et a redécouvert celui de l’enchaînement baroque. Plus d’édifices isolés dans leurs espaces verts, mais des bâtiments étroitement insérés dans leur tissu urbain. Plus de fenêtres dispersées sur les façades, mais des ouvertures fortement reliées par leur décor. Plus de préoccupations fonctionnelles, mais le souci constant du symbole. Plus d’architecture domestique, mais une création monumentale. Les architectes postmodernes ont redécouvert les principes de la composition architecturale [55].
Depuis le début des années 1980, les tendances postmodernes de l’architecture se sont imposées à travers le monde dans un certain esprit superficiel dans la mesure où les architectes acceptent de plus en plus l’approche du postmodernisme sans aucune réserve. Souvent, le postmodernisme est assimilé à une conciliation à l’ornementation décorative sur les surfaces des conteneurs, c’est-à-dire un conditionnement esthétique. Le Postmodernisme perçu dans ce sens n’est seulement qu’une réaction au rejet catégorique de tout ornement par le fonctionnalisme dont les murs dépouillés et les surfaces blanches reflétaient une attitude de progrès. Le complément expéditif de quelques détails ornementaux ou d’un portique monumental a été automatiquement perçu comme une certitude d’être à jour.
Cependant, ce qui a vraiment conduit le postmodernisme à devenir une réalité éloquente c’est la réalisation réussie d’un certain nombre d’équipements publics qui étaient restés pendant de longues années à l’état de projets. Comme la plupart des premiers projets réalisés de l’architecture moderne ont été des maisons individuelles, la plupart des réalisations fécondes du postmodernisme ont été des résidences individuelles ou des bâtiments en copropriété : "La Maison de ma mère" de Robert Venturi, les maisons individuelles du Sea Ranch de Charles Moore, le bâtiment de Gallaratese d’Aldo Rossi, la maison privée à Cologne d’Oswald Mathias Ungers et les maisons individuelles de Richard Meier et Michael Graves.

Un "ordre visuel nouveau et différencié"

"Une des raisons pour lesquelles le grand public réagit contre l’architecture moderne réside dans le fait qu’elle n’offre aucun ordre visuel nouveau qui remplace les styles dévalués du passé. Elle a certes créé un vocabulaire neuf, mais non encore de hiérarchie de signes significatifs capables d’exprimer la façon de vivre de la société" [56].
Le verdict de Christian Norberg-Schultz dans son ouvrage "Système logique de l’architecture" porte essentiellement sur l’insignifiance du vocabulaire formel contemporain, après avoir constaté sans ambiguïté le caractère "insoutenable" du chaos de la métropole moderne et de ses bâtiments sans caractère.
Norberg-Schultz souhaite une réhabilitation des formes, mais surtout des formes expressives " et organisées: "La production vise à créer un milieu physique ordonné et un milieu de symboles significatifs. Nous résumons d’habitude ces aspects dans l’expression "ordre visuel". Par-là, nous n’entendons pas un ordre purement formel, mais plutôt l’utilisation de formes significatives, le "design for life", se rapporte à la même intention. Le besoin d’ordre contraste avec l’actuel mépris pour les formes (…) Les valeurs humaines ne peuvent être préservées et transmises qu’au moyen de formes symboliques et les facteurs fondamentaux d’une civilisation requièrent les plus articulés des symboles. Des réactions contre l’actuelle "liberté" sans forme commencent à voir le jour. Le monde d’ordre visuel fait également l’objet de fréquentes critiques" [57].
Une remarque fondamentale se dégage ici, celle s’opposant à l’idée fréquente selon laquelle l’uniformité et l’ordre très cartésien seraient la nécessaire contrepartie de la critique du chaos et l’anarchie. Ch. Norberg-Schultz propose un nouvel "ordre visuel", structuré et hiérarchisé qui se fait un peu l’écho de celui proposé par R. Venturi: "l’ordre complexe et contradictoire dont notre architecture a un besoin vital pour former des ensembles intégrés au cadre urbain" [58].
Selon Ch. Norberg-Schultz, la préoccupation majeure de l’architecture moderne s’est limitée à développer des formes régissant contre les "motifs empruntés". Une tâche urgente serait aujourd’hui, dans la perspective d’atteindre " un ordre visuel différencié " en multipliant les types distincts de bâtiments, types susceptibles de se prêter à des variations plus souples. C’est aussi de sa part l’apologie de la perte d’identité des édifices, la disparition des indices de "reconnaissance": "actuellement, il est difficile de distinguer une église d’un garage. Evidemment, ceci n’est pas dû principalement aux défectuosités des bâtiments particuliers, mais surtout au manque de " types " distincts de bâtiments…" [59].

"L’espace de la ville", contre-doctrine de Léon Krier par rapport à "La cité radieuse" de Le Corbusier (Figure 4)

Dans les années 1970, les architectes redécouvrent la rue, la place… "La ville peut seulement être reconstruite sous la forme de rues, de places et de quartiers… Les rues et la place doivent avoir un caractère familier et permanent… La ville doit être articulée en espaces publics et domestiques, en monuments et tissus urbains" [60].
Selon Léon Krier, pour la plus grande majorité des penseurs de l’architecture, leur unique doctrine est "l’incertitude". Les idées et les catégories esthétiques qui intéressent Léon Krier ne sont pas celles qui vont être consommées en quelques années ni celles qui sont dans les revues et les pamphlets. Léon Krier s’intéresse surtout aux ordres classiques. Il affirme à ce sujet que "si l’architecture classique a perdu son autorité, si l’architecture est dictée aujourd’hui par les ingénieurs, les pompiers et les sociologues, la raison en est que les architectes ont abandonné l’architecture" [61].Il ajoute que "en perdant la justification philosophique de leur profession et de leur passion, il ne leur restait rien à opposer à l’empire des nombres, de l’argent et du calcul, c’est-à dire aux tactiques des promoteurs et des bureaucrates. Lorsque les architectes n’avaient plus rien à opposer aux intérêts bornés de l’industrie et de l’Etat, ils ne pouvaient que servir l’accumulation du capital. Le règne de l’architecture et le règne du capital sont des propos contradictoires. Le premier est réel et le second est abstrait. L’architecture construit une réalité humaine et la transcende; le capital est accumulé, par contre, à travers la destruction et l’abstraction de la nature et de la culture humaine" [62].
Léon Krier veut que son travail théorique soit écrit et dessiné en même temps. Il ajoute à ce sujet: "Ce qui est écrit est toujours démontré dans le dessin, et ce que je dessine trouve toujours son explication et son fondement dans des textes écrits. Chaque projet et chaque texte sont des manifestes concernant une tactique de reconstruction particulière, cela à l’échelle de l’architecture et de la construction ou bien à l’échelle de la ville entière ou de la campagne" [63].
Léon Krier propose un certain nombre de thèses fondamentales anti-fonctionnalistes concernant son travail de reconstruction de la ville qui "peut seulement être reconstruite sous forme de rues, de places et de quartiers; un quartier doit intégrer toutes les fonctions de la vie urbaine sur une surface qui ne peut excéder 35 ha et 15.000 habitants; les rues et les places doivent avoir un caractère familial; leurs mesures et proportions doivent être celles des meilleurs exemples de villes préindustrielles; la simplicité et la lisibilité doivent être le but de la topographie urbaine, si complexe soientelles; la ville doit être articulée en espaces publics et domestiques, en monuments et tissus urbains, en architecture classique et construction populaire, en places et en rues, et selon cette hiérarchie" [64].
Le système verbal bascule, un autre se reconstruit. Les règlements d’urbanisme sont élaborés, les techniques de chantier s’adaptent, les formes architecturales s’accompagnent de légitimité doctrinale et théorique moderne. C’est une autre réalité qui informe l’architecture, à ce point que nulle autre ne semble possible, et quant au passé, on dira comment a-t-on pu ?
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Figure 4: Léon KRIER, L'espace de la ville: projet de reconstruction urbaine dans un esprit purement baroque: Echternach, 1969-1970.

La redécouverte de la ville et de son contexte historique (figure 5)

Les architectes aujourd’hui créent des édifices enchaînés les uns aux autres le long de rues et de places elles-mêmes reliées entre elles. Ils ont réinventé le tissu urbain.
Cette conception de la ville s’oppose aux théories du mouvement moderne de l’architecture qui recommande des bâtiments isolés dans des espaces dégagés.
Les idées de base concernant ce courant contextualiste ont été énoncé d’abord par l’italien Aldo Rossi dans son ouvrage sur l’architecture de la ville [65], par Collin Rowe dans son écrit "Collage City" [66], par Léon Krier et al. dans "rationnal architecture: the reconstruction of the european city" (1978) et par Robert Krier dans son livre sur "l’espace de la ville" [67].
En somme, avec cette nouvelle tendance, l’architecture voulait faire revivre la notion de "contrastes urbains" et celle de l’opposition entre le monument et l’environnement urbain. En outre, ce courant voulait redécouvrir l’idée "d’univers urbains" (rues, places, squares etc.). Dans la pratique, ceci devait se concrétiser par des objets intégrés dans la ville pour enrichir le tissu urbain et non le "bouleverser" du point de vue morphologique, même si des contrastes formels devaient se présenter [68].
Faisant partie de la même tendance que les frères Krier, l’architecte Belge Lucien Kroll condamne sans appel les procédures bureaucratiques de la planification qui se bornèrent à poser sur des sites des rangées de bâtiments autour de pôles d’utilité qui commencèrent à être défiées pour la première fois depuis les années 1920. Ainsi, les utopies de la planification urbaine qui se basaient sur les illusions de la technologie vont être défiées et remises en cause. La ligne de division entre le modernisme et le postmodernisme devenait de plus en plus nette dans le domaine de l’urbanisme ainsi que dans tous les autres champs de l’architecture.
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Figure 5: Maurice CULOT, L'espace de la ville: Projet de reconstruction du Quartier Ste Gudul à Bruxelles, 1976. La revendication d'une architecture qui allie culture, tradition et modernité.

CONCLUSION

Il n’y a plus d’architecture... mais des fonctions, des techniques et des "cités numériques" partout

Avec le béton armé et ses systèmes constructifs très simples, le mouvement moderne va mener jusqu’au bout ses idées fonctionnalistes, qui seront appliquées avec certitude et détermination par les architectes modernes de la deuxième et de la troisième génération, mais aussi avec d’autres acteurs qui vont entrer en scènes et prendre le dessus, tels que les urbanistes, les maîtres-d'œuvres, les ingénieurs, les promoteurs, les hommes d’affaires, les politiciens, etc. du monde entier jusqu’aux années 1970.
Si les pionniers du fonctionnalisme s’étaient évertués dans les années 1920 à théoriser dans le but de faire ressortir un nouveau style de la matière première de la technologie et de la production en masse, la génération suivante des adeptes du fonctionnalisme va croire automatiquement à tout ce qu’elle avait appris au sujet de ce qui est "bon marché, économique, plus pratique et standardisé". Leurs devises étaient "la forme suit la fonction" ou "moins c’est plus", "exprimer la structure".
Une fonction efficace devait produire une belle forme, comme celle des avions, des navires, des barrages, des silos, des outils, des machines etc. Alors, s’il était possible de produire de belles choses avec un ordinateur, pourquoi s’attarder avec des élucubrations au sujet de l’art?
La production architecturale de ces fonctionnalistes sans imagination est autour de nous aujourd’hui et chacun de nous peut la voir dans toutes les villes du monde, remplies de bâtiments "fonctionnels" construits suivant une sorte de processus automatique: "la forme extérieure est déterminée par la législation du zoning, les façades extérieures couvertes de panneaux, des murs-rideaux dans le jargon moderniste, provenant du catalogue d’un constructeur, l’organisation spatiale est décidée par des experts en location d’espace au mètre carré et les élus locaux, le toit est conçu par un spécialiste en la question et l’entrée du bâtiment par le journal local. Le résultat est le chaos au nom du fonctionnalisme" [69].
Pris dans leur propre piège, les fonctionnalistes vont se justifier par des arguments tels que "ce style nouveau est plus économique et moins cher à l’entretien ..." Peu, parmi ces fonctionnalistes ont publiquement reconnu que le fonctionnalisme pouvait être un système d’organisation cohérent et une méthode intégrée pour construire des édifices qui doivent être jugés selon leur propre mérite. La polémique et la confusion qui ont éclaté au sujet du style international et du fonctionnalisme n’ont pas été causé par des opportunistes. "La question qui se posait était que l’idéologie du modernisme devait revoir ses propres résultats pour voir combien d’entre eux avaient un sens. Y avait-il réellement urgence pour adhérer aussi rapidement à l’esthétique de la machine ? Si le style de la nouvelle architecture a donné de bons résultats dans un certain nombre d’édifices, dans beaucoup d’autres cela a été un véritable désastre" [70].
Bien qu’en phase de disparition, le fonctionnalisme et le méthodologisme sont loin d’être morts. Ils persistent toujours, particulièrement dans les pays du tiers-monde où ils sont une discipline rigoureuse et très demandée, une excellente référence pour beaucoup d’architectes, d’étudiants et de décideurs et aussi un bon critère pour juger un bon nombre d’édifices proposés de nos jours. "Les gros ensembles d’habitation comme les constructions individuelles s’élèvent un peu partout, rarement agréables à l’œil, rongeant comme d’immenses verrues le paysage urbain ou le prolongeant en un désolant entassement de cubes. Et (signe du temps ?) les ensembles d’habitation posés là en toute hâte n’ont même pas eu le temps de se voir attribuer un nom qui les humanise. Nous assistons à l’émergence de véritables "cités numériques": cité des 628 logements, cité des 800 logements…" [71].
Cette citation de Tahar Djaout nous renseigne d’une manière pertinente sur le vide théorique qui caractérise la conception architecturale qui se répercute sur la production architecturale en Algérie depuis l’indépendance sans qu’il y est une réflexion sur cette question primordiale.

Le fonctionnalisme doctrinaire

Beaucoup d’architectes et d’enseignants pratiquent le fonctionnalisme par-dessus tout. Ils se considèrent comme étant pragmatiques, terre à terre dans leur plaidoyer, s’abstenant des fantaisies et des spéculations. Leur théorie directrice est la conception d’édifices qui " fonctionnent ", qui satisfont aux fonctions prescrites, structurellement stables, et par vertu comme étant fonctionnel aussi bien qu’attractif.
De préférence, les fonctionnalistes revendiquent généralement que la réussite d’un architecte dans l’élaboration d’un bâtiment qui fonctionne est la condition pour qu’il soit bienséant et subtil et inévitablement s’obstiner à chercher à lui donner un effet artistique.
Le fonctionnalisme donne l’accent au programme ainsi qu’à certaines contraintes du projet en tant qu’éléments déterminants de la forme architecturale. Par conséquent, les contraintes du site et les conditions climatiques, la circulation et l’agencement spatiales, les règlements et les méthodes de constructions, les contraintes budgétaires, parmi d’autres, sont considérées comme des critères de prises de décision. Le style est considéré comme un dérivé de la conséquence d’une série de décisions rationnelles par rapport au volume, à l’organisation spatiale, la structure, les matériaux, la fenêtraison et les proportions. Pour beaucoup, le fonctionnalisme est synonyme de modernisme.
Pour l’étudiant en architecture, le fonctionnalisme est sans doute la théorie qu’il assimile le mieux dans la projétation en atelier. Elle passe pour analytique, logique, directe, une extension des réflexions et des réponses à certaines questions déjà rencontrées plus tôt à l’école primaire et secondaire et dans la vie de tous les jours. Elle ne dépend pas de discours sophistiqués ou de théories de conception intellectuellement complexes. Le fonctionnalisme est transmissible facilement d’un projet à un autre en tant que stratégie dans la conception architecturale. Il peut s’appliquer aussi bien à une stationservice qu’à un musée. Il est toujours contemporain du moment qu’il n’exerce aucune contrainte sur la volonté de l’architecte d’appliquer une certaine décoration moderne pouvant s’intégrer dans l’ensemble.
L’erreur du fonctionnalisme est qu’il ignore les dimensions non fonctionnelles de l’architecture – psychique, émotionnelle, intellectuelle, visuelle, significative – qui sont en fait difficiles à quantifier et à spécifier, mais quelquefois qui apparaissent par accident ou comme une réflexion après coup.
Quelles que soient leurs sources, ces qualités architecturales sont celles qui font qu’un bâtiment n’est pas un édifice qui fonctionne seulement. Ironiquement, beaucoup d’architectes inspirés, bien qu’ils estiment ne pas appartenir à l’école fonctionnaliste, pratiquent en effet le fonctionnalisme, mais souvent en composant avec d’autres philosophies esthétiques.

Le méthodologisme

La détermination des tenants du mouvement moderne dans leur volonté de vouloir faire de l’architecture une discipline dont les théories et méthodes seraient celles des sciences exactes resta jusqu’à la fin des années 1960 [72].
Ces théories et méthodes étaient proposées sous forme de recherches opérationnelles et de méthodologies de conception qui soutenaient qu’une description détaillée de chaque programme de construction – les conditions physiques exigées pour l’exécution de certaines fonctions spécifiques – et une adhésion systématique à cette description dans le processus de conception devraient résulter directement dans la transposition des demandes fonctionnelles dans la forme construite.
La théorie du méthodologisme en tant que fin en soi a un rapport direct avec le fonctionnalisme. Centré sur le comment et non sur le pourquoi de la production architecturale, les architectes et enseignants méthodologistes sont intéressés dans le processus et sa gestion en tant que telle. La méthodologie exerce une certaine fascination, plus que l’innovation et la recherche esthétique. Le méthodologisme donne la priorité à la conception et les techniques de graphisme, la conception assistée par ordinateur, l’administration et la gestion du projet, son financement et l’activité économique.
Les méthodologistes établissent des diagrammes, travaillent suivant une programmation et se basent sur les données d’enquêtes préliminaires. Ils donnent une grande importance à la théorie de la prise de décision, aux modèles et à la simulation par ordinateur, à l’estimation du coût de la construction, au marketing, à la gestion personnelle parmi d’autres. Par la compréhension et la maîtrise du processus grâce auquel le travail est finalisé. Ils arguent, que la qualité de l’objet sera automatiquement améliorée.
De plus, l’efficacité et l’économie du bâtiment seront atteint. Des méthodes améliorées sont l’équivalent d’objets améliorés.
Associer à d’autres volontés et philosophies compatibles, le méthodologisme peut faire face aux complexités et aux incertitudes de l’architecture.
Cependant, comme les autres théories que nous connaissons, une préoccupation excessive à l’égard du comment au détriment du pourquoi peut conduire à des résultats compromettant. Peu importe le degré de rationalité de notre approche dans la conception architecturale, nous avons souvent besoin de sagesse et d’inspiration basée sur les valeurs humaines et des convictions personnelles qui varient selon la période, le lieu, la culture et les circonstances pour donner une "signification" à l’architecture. "…il ne faut pas se soucier de questions pratiques mais de l’interprétation de la signification de l’architecture. Une signification qui est sur le point d’être oubliée par beaucoup d’architectes. Un objectif qui risque de disparaître à jamais sous la contrainte d’une philosophie qui pendant des dizaines d’années domine le monde parce qu’elle a aidé des esprits médiocres à imposer leurs recettes et une justification pour la médiocrité de leurs travaux, parce que pour les conformistes ce sont des moyens providentiels pour légitimer leurs activités. Parce qu’elle permet la prise de décision sur la base de la rationalité et se soumet volontairement à l’analyse. Parce qu’elle a rejeté de l’architecture le monde inconfortable de l’irrationnel et rendu les idées superflues…" [73].

La nouvelle attitude à l’égard de l’architecture a généré une "hétérogénéité" de la production architecturale aujourd’hui

Après le fonctionnalisme, à partir des années 1970, la conception architecturale et l’activité de projet se sont abritées derrière le méthodologisme dans le but de sortir d’une profonde crise idéologique.
L’activité de projet a été réduite ainsi à une "rationalisation" dans la recherche d’une solution à un problème. Mais de quel problème s’agit-il ? Le projet d’architecture n’est-il pas précisément de "choisir" le problème à poser.
Les architectes ont au préalable cherché des bouées de sauvetage dans la sociologie, la psychologie, l’anthropologie, l’histoire, la linguistique, la sémiologie, etc. La soif de curiosité et de culture succédait à un long désert où le livre avait été à peu près rejeté de l’enseignement et du métier.
Une sorte de nouvelle déontologie s’était instaurée. Ainsi, avant que l’architecte puisse faire un trait, il lui fallait assimiler les savoirs les plus divers afin qu’il ne tombe plus dans l’erreur. Beaucoup d’écoles d’architecture européennes et américaines retenaient le plus longtemps possible le travail du projet. Il fallait en premier lieu assimiler des connaissances théoriques, des démarches, des méthodes.
L’objectif de ces revirements à l’époque était de prendre conscience de la dimension sociale, historique de l’architecture et en même temps éloigner l’école de la schizophrénie de la période du fonctionnalisme doctrinaire et du méthodologisme.
Du point de vue de l’idéologie architecturale, la fin des années 1980 est marquée par une certaine hétérogénéité dans la production architecturale. Cette période marque aussi une pause pour ne pas dire un certain recul. Après la critique du mouvement et la brève tentative de poser les bases d’une architecture "postmoderne", le temps est aux incertitudes et face aux foisonnements de tendances et des recherches formelles, on a bien du mal à dégager les lignes directrices de l’architecture contemporaine. En outre, le rôle de l’architecture est bien incertain. Alors que l’on rêve moins d’une transformation de la société à laquelle participerait l’architecture, cette dernière est encore accusée de susciter ou de provoquer les divers maux dont souffre les périphéries des grandes villes. On sait cependant aujourd’hui que, le mal être des villes n’est pas la conséquence directe de l’architecture.

NOTES & REFERENCES

[1]- Belmont J. "Modernes et Postmodernes", éd. du Moniteur, Paris (1987).
[2]- Belmont J., op. cit. p. 30.
[3]- En plus des ouvrages, " Règles pour la direction de l’esprit "(1628) et " Discours de la méthode" (1637), nous devons à Descartes l’invention de la géométrie analytique qui stipule que la position d’un point dans l’espace est exprimée en trois dimensions. Les coordonnées sont généralement appelées "cartésiennes" d’après l’inventeur. Cette méthode de solution qui repose sur la décomposition, donc l’analyse d’un problème en éléments les plus petits qui soient est aussi l’un des principes fondamentaux du rationalisme de Descartes.
[4]- Parmi d’autres, les ouvrages de Kant sont: "La critique de la raison pure", "La critique de la raison pratique " etc. Kant situe la raison au centre du monde.
[5]- Kaufmann E., "De Ledoux à Le Corbusier, Origine et développement de l’architecture autonome", Equerre, Paris (1981).
[6]- "Les architectes de la liberté", Ledoux, Claude Nicolas, " L’architecture", Princeton Archit. Press (1983); Boullée Etienne-Louis, "Architecture, Essai sur l’art" , Hermann, Paris (1968).
[7]- Jencks C., "Mouvements modernes en architecture", Mardaga, Bruxelles (1977).
[8]- Giedeon S., "Espace, Temps, Architecture", Tome 1 et 2, Denoël/Gonthier, Paris (1978).
[9]- Giedeon S. op. cit.
[10]- More T., "Utopie", 1ère éd. 1516, Garnier/Flammarion, Paris (1987).
[11]- Choay F., "L’urbanisme, utopies et réalités, une anthologie", éd. du Seuil, Paris (1965).
[12]- Choay F. , op. cit.
[13]- Ebenezer H., "Les cités-Jardins de demain", Coll. Aspects de l’urbanisme, éd. Dunod, Paris (1969).
[14]- Frampton K., "L’Architecture Moderne, une histoire critique", 1ère partie, chap.": Transformations techniques: systèmes de construction" (1775-1939), éd. Philippe Sers, Paris (1985).
[15]- Simonnet C., Mialet F., article intitulé: "L’imaginaire
technique en question", revue Architecture intérieure crée,N°244, sept. oct. (1991).
[16]- Christophe P., "Le béton armé et ses applications", Paris, 1ere éd. (1902).
[17]- Simonet C., "L’origine du béton armé", Laboratoire DessinChantier, Rapport d’activité, Ecole d’architecture de Grenoble, (1991), p. 4.
[18]- Banham R., " Theory and design in the first machine age ", Chapitre 4, Londres, Faber and Faber ,1960.
[19]- Marchand B., " Paris, histoire d’une ville ", 19è-20è siècle, chap. 2: La ville modernisée (1850-1890), éd. du Seuil, Paris (1993) ; J. Castex, J. Ch. Depaule, Ph. Panerai, " Formes urbaines de l’ïlot à la barre ", chap. 1 : Le Paris haussmannien, 1853-1882, coll. aspects de l’urbanisme, éd. Dunod, Paris (1977).
[20]- Durand, J.N.L., "Précis des leçons données à l’Ecole Polytechnique de Paris", Paris, 1ère éd. 1802; "Leçons d’architecture, partie graphique, cours d’architecture", Fisherbacher, Paris (1981); " Recueil et parallèle des édifices de tout genre", Equerre, Paris (1982).
[21]- Giedeon S., "Espace, Temps, Architecture", Tome 1 et 2, Denoël/Gonthier, Paris (1978).
[22]- Trois prototypes condensent toutes les théories de l’architecture moderne: la maison Schröder de Gerrit Rietveld (1924), le bâtiment de l’école du Bauhaus de Walter Gropius (1925) et la Villa Savoye de Le Corbusier (1929).
[23]- Le Corbusier, "Vers une architecture", Vincent et Freal, Paris (1966), page 43.
[24]- Le Corbusier, "La Chartes d’Athènes", 1ère éd. Plon, Paris,
1943,Nouv. Ed. Le Seuil, Paris (1971), p. 21.
[25]- Le Corbusier, op. cit. p.22.
[26]- Le Corbusier, op. cit. p.22.
[27]- Le Corbusier, op. cit. p.22.
[28]- Le Corbusier, op. cit. p. 22.
[29]- Epron J-P, "L’architecture et la règle, Essai d’une théorie des doctrines de l’architecture", OPU, Alger (1984), p. 183.
[30]- Le style international définit le type d’architecture qui a fait son apparition dans les "modèles" proposés dans les années 1920 et qui sera prolongé dans des formes plus élaborées dans une expression "classique" à partir des années 1930. C’est aussi à partir de cette période que la nouvelle architecture trouvera un écho favorable à travers le monde.
[31]- Le Corbusier, "La Chartes d’Athènes", op. cit., p.54.
[32]- Pinson D., "Architecture et modernité", Flammarion, Paris (1996), p. 74.
[33]- Castex J., Depaule J. Ch., Panerai Ph., "Formes urbaines: de l’îlot à la barre", chap. 4: Le nouveau Francfort et Ernst May: 1925-1930, coll. Aspects de l’urbanisme, éd. Dunod, Paris (1977).
[34]- Duplay, Claire et Michel, "Méthode illustrée de création architecturale", éd. du Moniteur, Paris (1982), p.101.
[35]- Revue Techniques et Architecture, nov. 1979, N° 327, 1. "Industrialisation ouverte: principes – expérimentations", déc. 1979 – janvier 1980, N° 328, 2. "Systèmes constructifs – composants".
[36]- Ragon M., "Histoire de l’architecture et de l’urbanisme modernes", Volume 2: "Naissance de la cité moderne, 1900- 1940", Casterman, Paris (1986).
[37]- Pinson D., "Architecture et modernité", Flammarion, Paris (1996), pp.41-42.
[38]- Revue L’Architecture d’aujourd’hui, "Architecture-Fiction, ou anti-architecture", (N° spécial sur Archigram), N° 177 (1964).
[39]- Portoghesi P., "Le post-moderne", Electa/ Moniteur, Paris (1983), p. 7.
[40]- Mumford L., "Le déclin des villes ou la recherche d’un nouvel urbanisme", éd. France Empire Paris (1960), "La cité à travers l’histoire", 1961, éd. du Seuil, Paris (1965).
[41]- Mumford L., "Le déclin des villes ou la recherche d’un nouvel urbanisme", op. cit. p. 27.
[42]- Mumford L., "Le déclin des villes ou la recherche d’un nouvel urbanisme", op. cit. p. 173.
[43]- Jacobs J., "The Death and Life of American cities, the failure of Town Planning", Pelican Book, Londres (1961) ; "Déclin et Survie des grandes villes Américaines, l’échec de l’Urbanisme", traduction de l’anglais, éd. Mardaga, Liège (1991).
[44]- Mumford L., "La Cité à travers l’Histoire", éd. du Seuil, Paris (1964).
[45]- Choay F., " La règle et le modèle", éd. du Seuil, Paris (1980), pp. 14-15.
[46]- Choay F., "L’urbanisme, utopies et réalités, une anthologie", éd. Du Seuil, Paris (1965).
[47]- Lefebvre H., "Le droit à la ville", Anthropos, Paris (1968); "La révolution urbaine", Gallimard, coll. Idées, Paris (1970).
[48]- Hall Edward T., "La dimension cachée", éd. du seuil, Paris (1971).
[49]- Fathy H., "Construire avec le peuple, Histoire d’un village d’Egypte: Gourna", Sindbad, coll. La Bibliothèque arabe, Hommes et sociétés, Paris, (1970), (1996).
[50]- Fathy H., op. cit. pp.59-60.
[51]- Portoghsesi P., "Le Post-Moderne", Electa/Moniteur, Paris (1983), p. 7.
[52]- Portoghsesi P., op. cit. p. 8.
[53]- Jencks C., "Le langage de l’architecture post-moderne", Denoël, 4ème éditions, Paris (1985).
[54]- Jencks C., "Modern Movements in architecture", postscriptum, Penguin Books, London (1985), p. 373.
[55]- Belmont J., "Modernes et postmodernes", éd. du Moniteur, Paris (1987). 104
[56]- Norberg-Schultz C., "Système logique de l’architecture", Coll. Architecture = Recherches, éd. Mardaga (1979), p. 20.
[57]- Norberg-Schultz C., op. cit. p. 272.
[58]- Venturi R., "De l’ambiguïté en architecture", (1ère éd. 1966) coll. Aspects de l’urbanisme, éd. Dunod, Paris (1979), p. 103.
[59]- Norberg-Schultz C., "Système logique de l’architecture", op. cit. pp. 278-279.
[60]- Krier R., "L’Espace de la Ville, théorie et pratique" , traduit de l’allemand, Archives d’Architecture Moderne, Paris (1980), p. 43.
[61]- Krier L., article intitulé "Doctrines et incertitudes" in Les cahiers de la recherche architecturale: " Architecture 1980", N° 6-7, oct. (1980), p.83.
[62]- Krier L., op. cit. p. 83.
[63]- Krier L., op. cit. p. 83.
[64]- Krier L., op. cit. pp. 83-84.
[65]- Rossi A., " The Architecture of the city", traduit de l’Italien, Cambridge, Massachussets (1966); "L’Architecture de la Ville", traduction française, Equerre, Paris (1981).
[66]- Rowe C., Koetter F., "Collage City", MIT, Cambridge, Massachussets (1979); Coll. Supplémentaires, Centre Georges Pompidou, Paris (1993).
[67]- Krier R., "L’Espace de la Ville, théorie et pratique", traduit de l’allemand, Archives d’Architecture Moderne, Paris (1980).
[68]- Jencks C., "Le langage de l’architecture postmoderne", éd. Denoël, 4ème édition, Paris (1985).
[69]- Blake P., "Functionalism", in Encyclopaedia of modern architecture, Thames and Hudson, Londres (1975), pp.112- 113.
[70]- Blake P., op. cit. pp.112-113.
[71]- Djaout T., "Architecte: l’homme invisible", in Habitation, Tradition, Modernité H.T.M., Algérie 90 ou l’architecture en attente, N° 1, octobre (1993), p.81.
[72]- Alexander C., "De la synthèse de la forme, essai", Collection aspect de l’urbanisme, Dunod, Paris (1971).
[73]- Hollein H., cité in Heinrich Klotz, "The history of postmodern architecture", Massachussetts Institute of Technology, Cambridge (1988), p.345. 105

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