Cours théorie du projet 3 lmd: Espace architectural

Cours Théorie du Projet 3ème Année L.M.D - Département d’Architecture -Annaba-
ESPACE ARCHITECTURAL
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« Il n’est pas clair ce qu’il faut entendre ici par "lieu" et "espace" » Albert Einstein
Aristote définit l'espace comme un contenant de choses, une sorte de succession d'enveloppes englobantes, depuis ce qui est «à l'intérieur des limites du ciel» jusqu'au plus petit, un peu à l'image des poupées russes. L'espace est donc nécessairement un creux limité à l'extérieur et rempli à l'intérieur. Il n'y a pas d'espace vide; tout a sa place, son lieu et son endroit.
En effet, pour l'architecte l'espace ou l'intervalle entre sol, murs et plafond n'est pas le néant, bien au contraire: la raison même de son activité est de créer ce creux, pour contenir. Il lui donnera une forme concrète pour offrir un lieu de séjour et une relative liberté de mouvement dont l'homme a besoin.
L'architecture est l'art du creux; elle se définit à la fois de l'intérieur et de l'extérieur; les murs ont deux côtés. Nous la pénétrons avec notre corps et pas seulement par l'esprit. Toute critique ou histoire architecturale doit tenir compte de ce double aspect de la forme du creux et du plein des édifices.
Les anciens traités d'architecture parlent rarement de l'espace de manière directe. Leurs théories portent plus sur les éléments physiques de l’édifice et sur les motivations de leur forme, que sur les creux qu’ils délimitent.
C'est le XXe siècle qui a le plus développé l'architecture comme un art non figuratif. L'espace en fait partie. Les nouvelles techniques de bâtir ont permis d'imaginer un espace architectural qui se caractérise par ses relations fluides avec d'autres espaces.

1- Eléments de définition spatiale

L'espace architectural nait de la relation entre des objets ou entre des bornes et des plans qui n’ont pas eux-mêmes le caractère d’objet, mais qui définissent des limites. Ces limites peuvent être plus ou moins explicites, constituer des surfaces continues formant une frontière sans interruption, ou; au contraire, constituer uniquement quelques repères (par exemple quatre colonnes) entre lesquels l'observateur' établit des relations lui permettant d'interpréter une limite virtuelle.
L'architecte sait que tous les points des surfaces limites ne jouent pas un rôle identique. Les bords de surfaces isolées et les intersections . de deux ou plusieurs surfaces limites (arêtes etangles) constituent des repères primordiaux pour l'orientation et la compréhension.
Un espace cubique, par exemple, est limité par six plans. Sans avoir besoin de se concentrer l'œil se sert des arêtes et des angles, comme repères plus précis pour la définition de l'espace.
L'existence matérielle de ces plans n'est pas indispensable pour créer un espace perceptible.
En «érodant» ces plans pour ne laisser plus que les repères essentiels (les arêtes et les angles) ou en réduisant encore ces repères aux seuls bords ou bornes, nous continuons à distinguer un «dedans» et un «dehors».
Les éléments délimitant l'espace dans lequel nous nous trouvons ne forment pas une «image», mais exercent' un champ de forces inégales plus ou moins équilibrées. La force de ce champ est accrue lorsque les formes limites se complètent ou convergent vers un même but, au lieu d'être autonomes.
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Différents champs spatiaux sur le même thème du plan carré en variant les éléments verticaux.

2- Profondeurs d’espace

Les deux indices les plus communs et les plus efficaces de la perception de profondeur sont, d'une part, l'effet de perspective, avec notamment le gradient de texture, et, d'autre part, le phénomène qui nous dit qu'un objet qui cache partiellement un autre devrait se trouver devant celui-ci.
La figure montre les deux phénomènes sur une même image coupée en deux. L'effet de profondeur de la partie inférieure est le résultat du gradient de texture provoqué par une tempête sur le lac, tandis que dans la partie supérieure, il n'y a plus de perspective, mais une simple superposition de plans se situant l'un devant l'autre: les nuages, la montagne de droite, celles de gauche et celles du fond pour finir. Il n'y a pas véritablement de profondeur.
Pour les espaces intérieurs de représentation et les places et avenues urbaines, l'architecture classique accentue la perspective profonde non seulement par ses lignes fuyantes, mais aussi par sa modénature qui ajoute un gradient de texture.
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Perspective et texture comme gradients de profondeur.
En peinture l'un ou l'autre de ces deux phénomènes sont utilisés comme méthode produisant ainsi l'illusion de l’espace profond ou au contraire, de l'espace peu profond. Les peintres depuis la Renaissance jusqu'au XIXe siècle ne cachent pas leur préférence pour la perspective et l'espace profond. Les peintres du Moyen Age et, d'une autre manière, les peintres comme Le Corbusier sont des maîtres de cet espace peu profond où les plans superposés se trouvent apparemment comprimés et infiniment proches l'un de l'autre. Il n'est, dès lors, pas surprenant que les architectes aient, eux aussi, cherché à composer leurs objets et espaces en ayant recours à ces moyens.
Opérant avec des plans frontaux dont la distance respective est petite et ambiguë, certains architectes du Mouvement Moderne, exploitent non seulement l'espace peu profond, mais aussi le phénomène de transparence qui résulte de la disparition et la réapparition fragmentaire d'un plan derrière l'autre.
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Deux façades aux multiples plans rapprochés ; une invention de la modernité

3- Densités d’Espace

Pour l'architecte l'espace n'a pas que profondeur; il est aussi plus ou moins dense. Lorsqu'une plus grande densité apparaît comme opportune, il cherche à moduler les distances par des «étapes de profondeur» intermédiaires et rapprochées. C’est généralement le cas lorsque nous travaillons avec l'espace peu profond, mais nous pouvons également créer la densité avec un espace profond: la mosquée de Cordoue avec sa «forêt» de colonnes est un espace profond d'une extraordinaire densité.
A l'inverse, le projet d'extension de la Bibliothèque Nationale caractérise l'absence de densité, l’espace universel, profond clairsemé.
La densité spatiale n'est pas uniquement due à l'étagement concret de la profondeur comme à Cordoue. Il peut suffire de suggérer des subdivisions de manière implicite par la modénature des sols, des murs ou des plafonds pour qu'un même espace unitaire apparaisse plutôt «rempli» ou, au contraire, plutôt «creux et vide».
Il n'y a pas d'avantages inhérents à l'espace dense par rapport à l'espace clairsemé et unitaire. Ce qui importe, c'est que l'architecte opère son choix de moyens en accord avec le site et le programme bien sûr, mais aussi avec des objectifs philosophiques. En observant les exemples de l'histoire, il découvrira peut-être que les espaces clairsemés et unitaires ont la capacité d'établir une tension inouïe entre le lieu de l'observateur et les limites de l'espace qui coïncident alors avec les limites d'une reproduction de l'univers - pont entre le réel et l'irréel. De l'autre côté, l'espace dense, fortement rythmé et modulé paraît plus rassurant et plus terrestre.
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L’Espace dense : intérieur de la mosquée de Cordoue.
L'espace clairsemé unitaire: projet pour l'intérieur de la salle de lecture de la Bibliothèque Nationale.

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