Le projet urbain : Définition : Concept et/ou pratique ?
Polysémique, le terme projet urbain est différemment défini.
Dans la chronologie de l’évolution des doctrines
urbanistiques, il est situé dans la suite de l’urbanisme fonctionnaliste
(Charte d’Athènes-cours 3).
Dans le contexte actuel, il est une « pratique
planificatrice ouverte et souple »8, donc en opposition aux méthodes de la
planification classique adoptée dans les instruments d’urbanisme (PDAU, POS…).
La planification
urbaine
Pratique de
l’urbanisme qui s’appuie sur le diagnostic d’un état présent, des tendances en
gestation pour conduire le projet vers l’objectif urbain souhaité. Elle est traduite dans les instruments
d’urbanisme par des Plans qui portent les projets.
« Notion floue », P.Ingallina finit par soutirer l’essentiel
de cette notion en énumérant quelques aspects majeurs :
« …un projet urbain ne se fait pas en un jour, mais il
accompagne le processus de transformation urbaine dans la durée ; il ne peut
pas répondre à la logique de l’urgence souvent invoquée par les maires.
Il doit
réunir des compétences multiples, car il s’applique à la ville qui est une
réalité complexe, pas unique où formes matérielles et formes sociales sont
liées dans des relations qui se sont établies dans le temps et dont il devra
rendre compte. Il se réfère à une multiplicité de techniques dont la maitrise
ne peut être confiée aux seuls architectes ou ingénieurs, mais demande, selon
le cas, d’autres compétences spécifiques et nécessaires pour sa faisabilité (y
compris financière). Puisqu’il a une visée large, il doit permettre le débat et
l’échange avec la population dont l’avis est déterminant. »9
Malgré cette énumération, la notion demeure floue…C’est dire
que le projet urbain reflète sa portée, toujours en relation avec le contexte dans
lequel il est adopté. Mais c’est également par rapport à sa « polysémie » qu’il
échappe aux fixations classiques entrainées par la planification classique,
linéaire et souvent très rigide.
. Mais pour mieux cerner cette « notion », il y est
préférable de se pencher sur sa naissance et son adoption par les « fabricants
» de l’urbain.
L’APPROCHE
MORPHOLOGIQUE.
Cette approche historique se prolonge dans la vision «
archéologique » de la ville. Elle a été introduite dans les études
urbanistiques par les historiens de la ville (Lavedan et Bardet en France) et par
les géographes allemands (entre les deux guerres). Mais la prégnance de la
centralité et ses outils de planification n’avaient pas favorisé son éclosion
en France.
Et c’est en Italie en 1950, qu’une telle approche se développa en
réaction à la planification jugée rigide, mais aussi, parce que les tissus
urbain anciens étaient nombreux…sans oublier que c’est en Italie que les idées
de préservations des centres historiques s’étaient manifestées (face au CIAM)
par G. Giovanoni (après C.Sitte). Saverio Muratori10 était un des pionniers de
cette approche qu’il enseigna à Venise et à Rome.
Son travail consistait à
collecter les relevés cartographiques des deux villes historiques, puis les «
interroger » pour soutirer les informations afin d’établir la « storia operante
» (histoire active). Ce canevas devient
un « corpus » fondamental tant il suggère et oriente des options à entreprendre
dans les opérations urbaines.
Sa méthode consistait à comprendre la logique de formation
des tissus urbains anciens par l’identification des types d’édifices, adoptant
pour cela les constructions typologiques.
Typologie
Classification
méthodique des types. Le type ? D’après Quatremère de Quincy c’est « un objet
d’après lequel chacun peut concevoir les ouvrages qui ne se ressembleraient pas
entre eux ». Le modèle est « un objet qu’on doit répéter tel qu’il est».
L’approche fut encore portée par Canniggia11, Rossi,
Aymonino. Elle est considérée aujourd’hui comme un outil majeur dans l’analyse
urbaine.
Cette approche traversa les Alpes et fut adoptée par les
architectes-urbanistes français. Devillers, Pinon, Panerai et Castex en furent
les figures les plus en vue. La typo morphologie a été adoptée comme démarche
dans les projets d’urbanisme.
L’approche morphologique gagna l’Espagne et Sora-Morales en
fit le « cours » dans l’enseignement à Barcelone.
En d’autres termes cette approche considère que la ville à
une époque donnée, habitée par une société a été « fabriquée » dans un accord
tacite entre les architectes, les artisans et les usagers. Cette production
correspondait donc à une époque où les performances techniques, les choix
stylistiques, les soucis économiques, écologiques et les usages s’inscrivaient
dans une convention « sous-entendue » et respectée.
En synthèse après la « tabula rasa » et les reniements
historiques adoptés par le fonctionnalisme, l’approche morphologique ou
typo-morphologique, s’est montrée comme une « reconnexion » avec le passé et
l’histoire de la ville. Ainsi, les ressources contenues dans chaque contexte
participent pleinement dans l’avenir en dictant ou en suggérant les «
directions » à emprunter.
Le projet urbain s’appuie partiellement sur cette démarche
en réhabilitant le rôle de tous les acteurs dans la fabrique de la ville.
Ainsi, il semble que le projet urbain est une attitude qui renoue avec les
pratiques « conventionnelles » sociales du passé.
LES PROBLEMES
URBAINS ET PROJET URBAIN
Globalement les problématiques liées aux projets urbains se
manifestent dans les modes de gestion des opérations urbaines. En effet, la
centralisation des décisions reconduites dans les modes d’élaboration des
instruments d’urbanisme et dans les formes de la planification ne donnent que
peu de marge de manœuvre aux maitres d’ouvrages. Ainsi, la maitrise d’œuvre est souvent diluée
dans les méandres technocratiques ou bureaucratiques.
Il faut également préciser que la centralisation considère
les questions urbaines sous l’unique angle « schématique ». Dans cette suite,
les Plans et les instruments d’urbanisme sont souvent élaborés sans rapport au
contexte réel.
Le souci d’aboutissement des projets urbains exige une
écoute et une attention particulière aux usagers. Cependant, la mise en place
d’un système de communication fait souvent défaut, tant les attentes des
projets se soucient des maitrises d’ouvrage politiques.
En d’autres termes la problématique de l’urbain trouve dans
les composantes du projet urbain les formes « conceptuelles » et
méthodologiques susceptibles d’asseoir les stratégies et les modes de
planification pour aboutir.
Dynamique urbaine
et Instruments d’urbanisme
La durée des instruments d’urbanisme (à longs termes) est
souvent dépassée par la réalité du terrain. En effet la dynamique urbaine
produit des situations qui rendent caducs les diagnostics élaborés lors des
phases d’études. Ainsi, les objectifs arrêtés deviennent également «
irréalisables ». Dans cet écart, les « révisions » instituées prennent la forme
de corrections qui dénaturent les attentes.
L’autorité politique et l’autorité administrative, même si
elles possèdent une certaine marge de décision (décentralisation relative), ne
peuvent sortir du texte tracé par les instruments d’orientations, adoptés au
niveau régional ou national. La planification régissant la « fabrication » de
la ville reste «linéaire », rigide et impuissante dans l’insertion des ressources ou des mutations rencontrées lors de la mise
en application.
Projet de société/projet urbain :
Les instruments d’urbanisme en usage sont souvent issus d’un
projet politique national. Ils ne sont changés que dans les sillons des
changements des options politiques. Cependant, les visées des mesures en vue
d’une intégration nationale aboutissent à une uniformité urbaine. Cette attitude politique, enserrant le
projet social, ne voue aucune considération aux caractéristiques
socioculturelles diverses différenciant les entités territoriales.
Dans ce sens, la projection uniforme s’érige en « déni » aux
modèles sociaux et culturels. En effet, l’objectif d’efficience doit composer
avec les spécificités locales et les particularismes culturels. La réception des
produits urbains issus des instruments en cours est souvent une occasion pour décrier
leur incompatibilité avec les pratiques quotidiennes locales.
Projet de société
Un projet de
société est caractérisé par la production « sociale » produite par une société
et qui englobe ses valeurs et ses attentes, et qui favorise son développement
aussi bien mental que matériel. Bien sur cette production se traduit souvent en
valeurs qu’elle inculque à travers des canaux institués et surtout, elle met en
place un système de contrôle pour écarter celles dissonantes.
La participation « formelle » dans la conception de la ville
ou dès ses extensions ne donne pas la possibilité de saisir ces singularités
territoriales. D’autant que les plans sont souvent conçus en dehors du cadre
récepteur.
Dans ce sillon, les catégories sociales ne peuvent être
isolées du projet. Cette attitude révèle les capacités sociales à vivre
ensemble sans distinction, et à assurer une place entière aux personnes
culturellement ou physiquement différentes.
Esthétique urbaine/Projet urbain
Dès lors que l’expression « urbaine » est positionnée dans
les opérations urbaines, elle évoque des opérations qui correspondent à un
ordre social. C’est dire que l’individualisation en termes d’esthétique est souvent
proscrite. L’esthétique urbaine s’insère dans les valeurs et dans les
productions sociales. Elle renforce le projet de société.
Esthétique urbaine
Ordre établi
comprenant les styles, les gabarits les modes d’implantation, utilisation des
matériaux, revêtements, enduits, peintures…Ces facteurs sont généralement
localement consacrés, et partant, une singularité non approuvée se présentera
en dissonance.
L’attachement d’une population d’habitant à une ville
s’inscrit dans des rapports socio- culturels. Ceci pour avancer que le cadre
est une multitude d’espaces symboliques, formant un registre identitaire,
essentiel à la vie en société.
Le paysage urbain à différente échelle correspond
donc une expérience quotidienne de la vie urbaine. Son altération ou les
interférences à ce cadre sont susceptibles de provoquer des déséquilibres des
rapports au cadre urbain.
A.BOUCHAREB. Projet Urbain. Master 1Académique(2011/12)
8 COURCIER S. De l’évaluation de l’effet structurant d’un projet urbain à l’analyse des congruences entre stratégie d’acteurs. Réaménagement du Vieux-Port de Montréal. Thèse de Doctorat d’Etat. Montréal. 2002.
9 INGALLINA P. Le projet urbain. Ed. PUF ; Coll. QSJ ?. Paris. 2001. P. 10 10 MURATORI S. studi per un operante storia urbana di Venezia. Instituto Poligraphico dello stato. Roma. 1960.
11 CANIGGIA G. Lecture de Florence. Une approche de la ville et du territoire. Etude des processus de formation des tissus anciens. Institut Sup. d’Archi. St-Luc. Bruxelles. 1994
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